Monsieur le Préfet,
Monsieur le Maire,
Mesdames et messieurs les élus,
Messieurs les officiers généraux,
Mesdames et messieurs,
Chers parents et amis,
Je suis très heureux de
venir saluer aujourd’hui à Brest les officiers élèves ainsi que les
équipages du Mistral et du Georges Leygues au moment
de leur appareillage pour cette deuxième «Mission Jeanne d’Arc». Je
le fais avec gravité, à l’heure où le monde est plongé dans une
crise sans précédent, dont personne ne peut présager l’issue.
Je veux remercier les
autorités civiles et militaires qui nous honorent de leur présence
et je remercie également les proches, conjoints, parents et amis
venus assister à cette cérémonie. Par votre présence, vous
manifestez l’importance que revêt à vos yeux l’engagement de ces
jeunes officiers au service de leur pays, mais aussi l’attachement
que vous portez à nos armées et à la marine nationale.
Je tiens également à saluer
les officiers d’échange, les militaires appartenant au 3ème
régiment d’infanterie de marine, mais aussi les officiers élèves
étrangers qui prennent part à cette mission. Leur présence
représente une opportunité unique d’échange et d’ouverture.
Mesdames et messieurs les
officiers élèves,
Vous voilà au seuil de
votre campagne !
Au seuil d’une campagne de
cinq mois qui va vous conduire de Djibouti à Cochin, d’Abu Dhabi à
Singapour, au cœur de l’arc stratégique qui a été défini par le
Livre Blanc sur la défense et la sécurité nationale.
Au seuil d’un embarquement
par lequel vous allez appréhender la réalité de votre métier : celui
de marin.
Un métier exigeant qui, en
1860, faisait déjà dire au contre-amiral Pallu, l’un de vos grands
anciens: «Si la renommée se mesurait à la somme des sacrifices,
le métier de la mer devrait être au premier rang et briller d’un
plus vif éclat».
Et ce même amiral, qui fut
l’aide de camp de l’amiral Charner en Cochinchine, ajoutait:
«Bonnes gens qui allez dormir à l’aise et qui, les pieds chauds sous
vos draps, entendez dans les nuits d’hiver le vent frapper en
pleurant à vos fenêtres, pensez qu’il y a, à la même heure, des
hommes en un point de la mer immense qui ne dorment pas […]. Bonnes
gens, pensez aux gens de mer. Si vous venez de laisser votre livre
favori, là bas, il est minuit moins dix minutes et c’est l’heure ou
on réveille au quart.
[…] La vie à bord est en
dehors de la loi commune, […] mais si dure qu’elle soit, ils la
préfèrent encore à tout autre et aucun d’eux ne voudrait changer
d’état» 1
.
Oui, la mer est une école rude et exigeante !
Oui elle suppose des sacrifices !
Mais votre présence sur ces
rangs témoigne de votre engagement. Et s’il est possible qu’à
l’euphorie du départ se mêle une légère appréhension, je sais que ce
jour, vous l’attendiez depuis le moment où, dans le secret de votre
cœur, vous avez décidé de devenir marin.
Alors puisque tel est votre
choix, il faut vous mettre à l’école de la mer !
Celle qui exige courage,
endurance, humilité et maîtrise de soi.
La mer, vous devrez bien la
connaître pour vous efforcer de la maîtriser. Vous devrez vous
exercer sans relâche pour vous pénétrer de ses règles, fondées sur
l’expérience, l’observation et la pratique.
À bord du Mistral ,
vous allez participer aux missions opérationnelles qui constituent
le cœur de métier de marin d’Etat. Vous allez en particulier
apporter le soutien de la France aux opérations ENDURING FREEDOM et
ATALANTE de lutte contre le terrorisme et la piraterie.
Vous allez, en permanence,
contribuer à la préparation opérationnelle du groupe amphibie, ainsi
qu’au maintien de notre posture de sûreté.
Vous participerez à
Singapour au salon IMDEX 2011, où je devrais vous retrouver, et qui
constitue une opportunité unique de développer de nouveaux
partenariats entre marines et industries de défense.
Au fil des jours, vous
allez également vous imprégner de la réalité concrète d’un bâtiment
de combat, de son organisation, de son fonctionnement et de la mise
en œuvre de ses capacités militaires, dans un environnement
interarmées.
Cet environnement
interarmées est essentiel. Et je tiens à souligner la présence de
vos 14 camarades de l’École spéciale militaire de Saint Cyr
Coëtquidan qui prennent part à votre formation. Je suis très attaché
à cette ouverture.
Agir en interarmées c’est
en effet lutter contre le corporatisme et le conservatisme !
C’est reconnaître les
spécificités de nos armées pour tirer le meilleur parti de
l’expertise apportée par chacun.
Ainsi, avec vos camarades
de l’armée de terre, vous allez apporter votre savoir-faire de
marins et participer au pré-positionnement stratégique du groupe
amphibie, sous la conduite du chef d’état-major des armées, dans
l’arc de crise qui correspond à nos priorités actuelles d’engagement
naval.
Le monde qui se dessine est
en effet porteur d’espoirs mais aussi de bien des menaces.
Plus que jamais, il est
nécessaire de disposer d’une marine entraînée, capable de s’adapter
à tout moment aux missions qui lui sont ordonnées et, s’il le faut,
préparée à combattre.
Comme l’a rappelé le
Premier Ministre à bord du porte-avions Charles de Gaulle le
12 février dernier : « La France continuera à déployer une marine
océanique à vocation mondiale ». Ce point est essentiel car peu
de marines sont aujourd’hui capables de se déployer, en permanence
et durablement, sur l’ensemble des mers du globe.
Demain, c’est donc vous qui
mettrez en œuvre le porte-avions et son groupe aéronaval composé des
Rafale au standard F3.
C’est vous qui mettrez en
œuvre le sous marin nucléaire lanceur d’engins Le Terrible .
C’est vous qui allez armer
le bâtiment de projection et de commandement Dixmude , les
frégates Forbin et Chevalier Paul , les frégates
multi-mission Aquitaine , Provence , et les autres
sous-marins d’attaque de la classe BARRACUDA.
C’est vous qui assurerez le
déploiement du tout nouvel hélicoptère Caïman.
C’est aussi vous, marins,
commissaires et administrateurs des affaires maritimes, qui, en lien
avec les autres administrations concernées, rechercherez toutes les
mutualisations pertinentes pour promouvoir la nouvelle stratégie
maritime voulue par le Président de la République.
Enfin, c’est vous qui allez
être les acteurs du rapprochement entre la marine nationale et la
Royal Navy !
Car il est fini le temps ou
marins français et britanniques s’affrontaient sur les mers !
Et elle est terminée
l’époque où nous entretenions des relations de simple cousinage de
part et d’autre de la Manche !
Aujourd’hui nous sommes
frères, liés par un traité entre nos deux nations, et il est
essentiel de comprendre que cette opportunité représente une chance
pour nos deux marines ! Cette chance, nous devons absolument la
saisir !
Il ne s’agit pas de
renoncer à notre identité ou à notre souveraineté, mais il s’agit de
nous engager dans ce qui constitue une impulsion sans précédent.
Les marins britanniques
sont ceux dont nous sommes les plus proches. Nous partageons les
mêmes préoccupations et parfois le même type de matériel. Ce
rapprochement est fondamental pour consolider nos savoir-faire
mutuels et maintenir l’efficacité de notre marine, à moyen et long
terme, dans un contexte budgétaire contraint.
Cette nouvelle marine va
exiger de vous une haute compétence professionnelle.
Durant ces quelques mois,
vous allez devoir mettre en application, de façon concrète et
soutenue, les connaissances théoriques acquises dans vos écoles
respectives. Vous allez les approfondir afin d’être aptes, dès votre
première affectation, à l’exercice de responsabilités sur un
bâtiment de combat.
Soyez les acteurs de votre
formation ! Et soyez convaincus que rien n’est facultatif. Tout est
utile !
Vous allez aussi devoir
apprendre à commander. A connaître chacun des marins de vos futurs
équipages, à les pousser à développer leurs talents, à redresser ou
tempérer ce qui vous paraîtra devoir l’être et, enfin, à proposer
tout ce qui vous paraîtra de nature à accroître la motivation et
l’adhésion de tous. Car c’est à vous qu’il appartiendra de donner du
sens, de montrer la voie et de conduire les hommes et les femmes
confiés à votre responsabilité dans un environnement complexe et
parfois meurtrier.
À l’heure où la plupart des
opérations de haute intensité dans lesquelles nous sommes engagés se
déroulent dans un environnement multinational, il est indispensable
d’acquérir une culture internationale. Tout au long de cette
campagne, vous allez mieux comprendre ce qui unit les peuples et ce
qui les divise. Et vous allez mieux percevoir le sens de votre
engagement au service de votre pays. Vous allez être regardés, et
votre pays à travers vous, car vous le représentez et vous serez ses
ambassadeurs en mission.
Avec cet embarquement sur
le MISTRAL, et le GEORGES LEYGUES, vous passez en effet de votre
école à celle de l’apprentissage en mer, avec et chez les autres.
Mesdames et messieurs les
officiers venus d’Allemagne, du Bénin, du Brésil, de Corée du Sud,
du Cameroun, de Djibouti, d’Espagne, de Grande-Bretagne, du Koweït,
du Liban , de Madagascar, de Malaisie, du Maroc, du Togo et de
Tunisie, vous êtes ici en formation, mais vous êtes aussi les
formateurs de vos camarades et vous contribuez à cette compréhension
du monde qui ne peut se concevoir qu’au pluriel.
La « mission JEANNE D’ARC »
appartient aux traditions qui font notre marine.
Une tradition qui ne se
trompe pas d’époque, une tradition qui ne reproduit pas des schémas
obsolètes, mais qui veut répondre aux besoins actuels et futurs de
notre marine, tout en puisant dans les richesses léguées par nos
anciens. C’est cela qui fait notre fierté et c’est cela qui fera de
vous des marins bien en phase avec leur temps, courageux,
compétents, efficaces et résolument au service de la République.
À vos familles qui vous
voient vous éloigner avec fierté mais aussi, sans doute, un peu
d’inquiétude, je veux dire aujourd’hui que la marine exigera
beaucoup de vous, mais qu’elle vous apportera aussi les plus belles
satisfactions.
Mesdames et messieurs les
officiers de marine, commissaires de la marine, administrateurs des
affaires maritimes, médecins du service de santé des armées,
officiers de l’armée de terre, officiers amis de la France, l’école
de la mer vous attend !
Bon vent et bonne mer !