Cap sur la Birmanie
Le bâtiment de la Marine nationale Mistral a quitté le port de Chennai en Inde hier à 1h00 du matin.
Le navire fait route vers la Birmanie avec à son bord 1 000 tonnes de fret humanitaire destiné à venir en aide aux victimes du cyclone Nargis. Une cargaison permettant d’assurer l’approvisionnement en eau et en nourriture de 100 000 personnes pendant quinze jours, de fournir des abris pour 60 000 sinistrés et de répondre aux besoins médicaux les plus urgents grâce à un stock de médicaments de premiers secours adaptés à l’urgence en Birmanie (antalgiques, antibiotiques, antiseptiques).
Aujourd’hui, l’équipage du Mistral souffle après plus de vingt-quatre heures non-stop consacrées au chargement de denrées alimentaires et matériels de premières nécessités pour les rescapés du cyclone.
Malgré des vents forts et une mer agitée, le Mistral prévoit d’arriver devant les côtes du Myanmar demain midi.
Retour en arrière. Dans la nuit du 2 au 3 mai, le cyclone Nargis frappe le Myanmar. Le Mistral se trouve alors dans le golfe du Bengale, il se dirige vers l’Inde.
Le navire se prépare à conduire un exercice en collaboration avec les marines indienne et les britannique. Scénario de cet exercice : un groupe de bâtiments de marines alliées interviennent dans une zone sinistrée par une catastrophe naturelle pour venir en aide à ses victimes.
En effet, une des missions principales du BPC Mistral (Bâtiment de Projection et de Commandent) est celle de mettre en œuvre l’assistance à des populations en « projetant » de la solidarité par voies aériennes, grâce à sa plate-forme hélicoptère, ou maritimes, en utilisant ses chalands de transport pour débarquer directement sur des plages.
Dès les premières annonces des dégâts provoqués par le cyclone, le personnel embarqué s’interroge sur un possible « détournement ». La présence du Mistral dans la région, et le thème de l’exercice qu’il s’apprête à conduire, sont vécus comme un signe.
Commence alors une veille attentive des informations diffusées par les médias. La volonté du personnel embarqué de venir en aide aux Birmans sinistrés s’intensifie à mesure de la multiplication des chiffres dramatiques avancés. Très vite, devant l’ampleur de la catastrophe, l’ordre est donné par le gouvernement.
Le Mistral se retire de l’exercice international programmé pour se consacrer à la mise en oeuvre d’une aide humanitaire en faveur des victimes du cyclone Nargis.
Mardi 13 mai, 22h00. Le navire accoste à Chennai.
Sur le quai, 400 tonnes de riz, 400 000 tablettes de décontamination de l’eau, 20 000 bâches, 10 000 moustiquaires, 10 000 jerricans et autant d’ustensiles de cuisines sont entreposés dans des hangars.
Le défi à relever pour les 300 militaires embarqués à bord du Mistral est de charger plus de 1 000 tonnes de fret au plus vite. A peine la coupée posée, une première équipe investit les entrepôts pour conditionner et mettre sur palettes le matériel.
La cadence est aussitôt lancée. La volonté est affichée : il faut accomplir la tâche aussi vite que possible. Au milieu de la nuit, une relève permet aux premiers apprentis « palettistes » d’aller dormir quelques heures. Au petit matin, la mise en route des grues du port lance le début du chargement.
Dans les entrailles du vaisseau comme sur le quai, la chaleur est étouffante. Les températures atteignent 38° à l’ombre avec un taux d’humidité record, il n’y a pas d’air, les corps ruissellent. Toute la journée, les équipes se relaient et le rythme reste très soutenu.
Energie et motivation sans faille sont au rendez-vous : chacun a conscience du caractère extraordinaire de la mission confiée au Mistral.
Mercredi 14 mai, minuit. « Dans dix minutes tout doit être rangé » annonce le capitaine de vaisseau Gilles Humeau, commandant du Mistral.
Les derniers sacs de riz viennent d’être entreposés à bord. Les hangars du bateau sont remplis, ceux des quais vidés. Le transfert des 1 000 tonnes de fret terminé, le navire est prêt à appareiller.
L’arrimage de tout le matériel embarqué sera vérifié pendant l’appareillage, le personnel regagne son poste de manœuvre, la coupée est levée et les amarres sont larguées.
Cap au nord-est, tout droit vers la Birmanie. L’équipage se couche épuisé mais fier du travail abattu et, plus que jamais, investi dans cette mission exaltante. Dans quelques heures, le Mistral naviguera au large de la Birmanie. Les jours qui attendent l’équipage sont encore parsemés d’inconnues. Les modalités de délivrance de l’aide humanitaire ne sont pas arrêtées, le temps passé dans la région birmane n’est pas défini, les missions qui nous serons confiées peuvent évoluer.
Toutes les options sont étudiées et les marins sauront s’adapter au mode d’action choisi. Cette capacité d’adaptation est au cœur de leur métier. Ils doivent en permanence se configurer et se re-configurer face aux éléments, qu’ils soient météorologiques, climatiques, géopolitiques ou diplomatiques.
(Source - Marie-Dominique Broudin, à bord du Mistral).
Samedi 17 mai, 7h00.
Le mistral se réveille
devant la Birmanie. Il
n’aura fallu que deux
jours pour traverser le
Golfe du Bengale. La
météo a été moins
capricieuse que celle
annoncée au départ de
Chennai. Après trois
jours de course contre
la montre, entre
l’embarquement des 1 000
tonnes de fret en un
temps record et le
transit à vitesse
maximale, le bateau est
stoppé net, à 22
kilomètres des côtes
birmanes, hors des eaux
territoriales.
Le ciel est maussade et
couvert. Au milieu de
cette brume, impossible
de voir la côte. Seuls
les radars confirment :
nous naviguons à une
heure de mer de l’entrée
du détroit de
l’Irrawaddy, zone la
plus touchée par le
cyclone.
L’équipage reste serein,
bien conscient des
tractations
diplomatiques en cours
et surtout de son
incapacité à agir ou
influer sur leur
dénouement.
La junte birmane refuse
de donner son accord
pour que le Mistral
s’approche des côtes
afin de délivrer le fret
embarqué aux ONG
présentes sur place.
Le bateau adopte un
nouveau rythme : il
s’installe pour durer… «
le moins longtemps
possible ! » (cri du
cœur de l’équipage
entier).
Dimanche 18 mai, 11h00.
Malheureux hasard du
calendrier, le week-end
est prolongé en
Birmanie. On célèbre «
la fête de la lune ».
Toutes les
administrations sont
donc fermées lundi, et
nous ne nous faisons
aucune illusion, si
décision doit être
prise, elle ne le sera
pas avant mardi.
Lundi 19 mai, 18h00.
L’annonce ce soir des
trois jours de deuil
national au Myanmar nous
fait craindre une
nouvelle paralysie des
administrations et du
gouvernement birman
jusqu’à vendredi. Nous
restons mobilisés, nous
devons être prêts à
l’instant même où la
situation se débloquera,
quels que soient les
choix qui seront faits
par le gouvernement et
la communauté
internationale. Nous
étudions donc toutes les
options qui pourraient
se présenter, tous les
modes de débarquement de
notre fret possibles.
Nous envisageons tous
les scénarii.
Mardi 20 mai, 10h00.
L’attente devient
éprouvante pour
certains.
L’incompréhension
grandit. Les médias
rendent compte de
témoignages terribles
sur les dégâts engendrés
par le cyclone.
L’évocation des dangers
du développement
d’épidémies, des cas de
sous-nutrition aigues,
de populations n’ayant
encore reçu aucune aide,
nous font frémir.
A bord, nous observons
les palettes de sacs de
riz, les montagnes de
bidons de jerricans, les
litres d’eau potable
disponibles. A cet
instant, et bien qu’on
les sache essentielles,
peu nous importe alors
les considérations
politiques… nous faisons
le voeux (naïf ?) que
toute cette aide arrive
au plus vite à ceux qui
en ont besoin.
En attendant que tombent
des décisions
géopolitiques qui nous
dépassent, le Mistral
continue à naviguer en
eaux internationales. Au
sein de l’état-major,
les équipes des services
civilo-militaires, les
médecins et les
officiers collaborent
pour planifier et
trouver les solutions
logistiques à chaque
hypothèse envisagée. Les
équipages des chalands
de transport de matériel
s’exercent en mer. Les
pilotes d’hélicoptères,
les équipes de pont
d’envol continuent leurs
entraînements. A bord le
travail ne manque pas et
l’équipage reste
mobilisé et déterminé.
Les médias rapportent
que le Mistral fait des
« ronds dans l’eau »…
faux, il fait des « 8 »
!
Source Web et complément informations