Cette journée marque une
étape décisive dans le déploiement puisque nous
avons pour la première fois débarqué des soldats
français et leur matériel sur le sol saoudien à
l’occasion d’un exercice.
C’est le résultat d’un
long travail de coopération avec les militaires
d’Arabie Saoudite, d’une préparation minutieuse
et d’une relation de confiance patiemment tissée
avec des marins dont beaucoup ont été formés en
France. Parallèlement, nos soldats ont devant
eux une occasion d’entraînement très
intéressante, dans des conditions bien
différentes de celles qu’ils peuvent trouver
chez nous. Pour en convaincre les plus
sceptiques, l’eau était aujourd’hui d’un bleu
turquoise exceptionnel et les chalands
zigzaguaient entre les « patates » de corail
vers une plage toute blanche vue du Mistral.
Pour rehausser les couleurs du tableau, le vent
soutenu qui agitait le plan d’eau et faisait
soulever des gerbes d’écume à l’étrave des CTM,
avait débarrassé le ciel de la brume de sable
des derniers jours. La lumière était magnifique.
Ce matin, un incident cocasse s’est produit lors
du départ de la première vague, celle des forces
spéciales franco-saoudiennes combinant le
savoir-faire des commandos marine et de leurs
homologues arabes. Ils embarquaient par la porte
arrière du radier, avec leur barda, dans les
zodiacs ballotés par le clapot. Un saoudiens a
alors fait un pas de trop et s’est immédiatement
enfoncé dans l’eau. Heureusement, le
premier-maître le Breselech, notre Jason, c’est
à dire le chef de la section navale de plage qui
« ouvre » le point de débarquement, a plongé et
aidé le malheureux à remonter à bord ; une
entrée éclatante dans le bain de la coopération
militaire franco-saoudienne !
Les vagues de batellerie se sont ensuite
succédées pour vider le BPC et constituer la
tête de pont, tandis que les frégates restées
plus au large protégeaient notre opération. En
milieu de matinée, nous avons reçu à bord
l’ambassadeur de France et de hautes autorités
militaires saoudiennes pour une présentation et
une visite rapide du BPC. Ce soir, le Mistral
semble bien vide et fort calme. L’attente
commence. Nous sommes suspendus aux
comptes-rendus des troupes débarquées, pour
suivre leur progression mais aussi anticiper
leurs demandes d’appui et de soutien. Les
hélicoptères sont particulièrement sollicités
pour renseigner ou réduire des obstacles.
Mais rassurez-vous, attente ne rime pas avec
inactivité. Grâce au commandant en second,
l’équipage ne s’est pas « embourgeoisé » puisque
l’exercice sécurité inopiné de cet après-midi
l’a rappelé aux dures réalités d’un entraînement
toujours nécessaire.
Parallèlement, les mécaniciens étaient aux
prises avec une tuyauterie fuyarde qu’il leur
faut réparer pour conserver la pleine
disponibilité opérationnelle du bâtiment.
Signé :
Gilles Humeau
Jeudi 28 février 2008
Grande nouveauté à bord
puisque les informaticiens qui n’ont pas chômé
depuis quelques semaines ont inauguré quatre
nouveaux postes d’accès à Internet dans la salle
de distraction équipage. Chacun peut ainsi
accéder à son courrier électronique et
s’informer plus largement. Encore une première !
Dans le même temps, la
passerelle et la machine travaillaient de
concert pour augmenter notre connaissance du
bâtiment en étudiant les consommations de gazole
à bas régime. Outre la recherche d’un intérêt
opérationnel pour espacer les ravitaillements et
durer à la mer, les marins sont aussi impliqués
dans les économies de carburant pour limiter le
coût de fonctionnement du bâtiment. Il faut
savoir que notre consommation varie du simple au
quadruple en fonction de la vitesse de
progression, de la température de l’eau de mer
et de la nécessité ou non de climatiser
l’intérieur du bord.
Cet après-midi, le rembarquement des troupes a
commencé de bonne heure pour ne pas risquer
d’arriver en retard à Djeddah demain. Et comme
la loi de Murphy s’applique aussi aux terriens,
des trésors d’astuce ont été trouvés pour aider
les véhicules pris au piège dans un sol trop
meuble. Encore un intérêt des exercices en
terrains inhabituels qui rehaussent la
préparation au combat de nos troupes.
Naturellement, les délais induits ont du être
rattrapés par la coopération et l’adresse des
patrons de CTM prompts à manœuvrer, malgré la
houle et le vent qui tentaient de nous
précipiter contre la barrière de corail. Le
Mistral a ainsi du tourner dans une mer formée
pour se repositionner. La masse d’eau contenue
dans le radier s’est bien souvent agitée au
point de former des lames de plus de trois
mètres de haut à l’intérieur du bâtiment. Ce
soir, les états-majors tirent les premières
conclusions d’un exercice très intéressant, mais
surtout prometteur.
Signé :
Gilles Humeau
Vendredi 29 février 2008
Après une nuit plus
calme consacrée à un exercice de protection
d’unité précieuse par nos quatre frégates
d’escorte, nous avons quitté nos compagnons
saoudiens ce matin pour gagner le port islamique
de Jeddah, gigantesque et très moderne.
Ce nom curieux n’a rien
à voir avec le caractère religieux de l’activité
portuaire, mais rappelle simplement que nous
sommes tout proches de la Mecque et que bon
nombre de pèlerins y débarquent chaque année
pour le Hadj, le cinquième pilier de l’Islam.
Peu après notre accostage, les femmes embarquées
ont été rassemblées pour percevoir une abaya,
espèce de blouse longue, noire, qui est de mise
pour les femmes à l’extérieur et dans les lieux
publics. Le pays est en effet régi par la Charia
et les lois islamiques très conservatrices
contrastent avec une modernité parfois
extravagante. La ville est réputée pour son
commerce florissant. Elle s’étend sur le désert
à perte de vue et se construit encore. Pourtant,
tout comme en Jordanie, l’eau courante est
inexistante et le système d’égouts n’est pas
développé.
Dans l’après-midi, nous avons accueilli à bord
monsieur Alain Moureau, ancien ambassadeur de
France en Arabie Saoudite et au Yemen, qui
embarque avec nous jusqu’à Djibouti. Il vient
étudier avec une équipe de diplomates les
spécificités de notre mission de marins d’Etat
aux prises avec les grands problèmes actuels.
Ainsi aborderont-ils avec l’état-major embarqué
la question des trafics en tous genres que nous
voyons souvent se dérouler sous nos yeux, celle
de la piraterie en mer Rouge et dans le golfe
d’Aden, de l’immigration clandestine, sans
oublier le rôle diplomatique permanent des
bâtiments de guerre.
Drôle de journée de
service du dimanche ! Le programme prévoyait en
effet une pause dans le rythme d’activité du
bâtiment pour reposer les esprits et les corps.
Mais dans la matinée,
l’alerte aux trafiquants était donnée par
l’hélicoptère Lynx du Dupleix qui venait de
détecter deux boutres suspects traversant la mer
Rouge entre le Yemen et l’Erythrée. Il fut donc
décidé de poser la machine à bord pour récupérer
ses photos et statuer sur l’éventuelle suite à
donner. Naturellement, les diplomates embarqués
hier étaient aussi étonnés que perplexes de se
trouver aussi vite confrontés à une situation
potentiellement intéressante. Et une demi-heure
plus tard, après avoir constaté que nos boutres
n’étaient pas si intéressants que cela, notre
hélicoptère à l’œil perçant reportait encore
deux « Go fast » pleins de personnes, mais à une
vitesse telle en direction du Yemen que nous ne
pouvions les intercepter pour en savoir
davantage.
L’après-midi fut plus calme. Chacun a pu se
reposer, les plus intrépides ont osé défier le
PM Pouget ou le commandant en second au
badminton tandis que le concours de tir à la
corde a rassemblé de très nombreuses équipes
interarmées.
Nous approchons ce soir des îles Hannish, le
vent s’est considérablement renforcé au point
que le barbecue prévu ce soir sur le pont a du
être remanié… la cuisson s’est finalement
déroulée en cuisine mais tout le monde s’est
retrouvé en début de nuit sur le pont pour
savourer la douceur de la température autour
d’un repas fort sympathique.
Signé :
Gilles Humeau
Mardi 4 mars 2008
Ce matin, le lever de
soleil coïncidait avec le passage du détroit de
Bab el Mandeb qui ferme la mer Rouge.
Au milieu du passage le
plus resserré, l’îlot yéménite Perim, autrefois
français se détache de la côte escarpée. A
l’ouest, l’archipel des Sept Frères veille comme
une sentinelle djiboutiennes sur le trafic
maritime qui vient de Suez vers l’Océan Indien
ou quitte le golfe d’Aden vers le Nord. Vu d’en
haut, les récifs coraliens qui bordent les îles
sont splendides.
L’arrivée dans le golfe de Tadjoura marque le
début de l’exercice Goubeth 08 avec les forces
françaises basées à Djibouti. Ainsi avons-nous
recueilli à bord une équipe de commandos marine
parachutés avec armes et matériel par un Transal
de l’armée de l’air et enradié un CTM
supplémentaire juste après que l’EDIC Dague nous
a livré une centaine de légionnaires pour la
nuit. Ce soir, après les briefings et la
passation des dernières consignes, le Mistral a
déposé ses commandos à une vingtaine de
kilomètres de leur point d’infiltration et s’est
ensuite éloigné dans le silence d’une nuit
d’encre. Le reste des troupes se repose à
présent, mais la journée de demain sera longue :
le premier CTM posera sa porte sur la plage à
06h45, trente minutes après la dépose des
premiers éléments par hélicoptères.
Signé :
Gilles Humeau
Mercredi 5 mars 2008
J1 de l’opération
GOUBETH 08. Dans la matinée (lire de 06h30 à
10h), les vagues de CTM se sont succédées entre
le Mistral et la plage d’Arta, régulièrement
entrecoupées par une rotation de la Dague,
bâtiment plus important capable de transporter
chaque fois une force très significative.
Arrivés à terre, les
soldats commencent par sécuriser le point de
débarquement en postant aux points stratégiques
un véhicule, puis une pièce d’artillerie et
enfin un groupe de combat capable de repousser
une attaque ennemie. Ce dispositif s’étend sur
plusieurs kilomètres. Lorsque tout le matériel
est mis à terre, la progression commence.
Nos légionnaires ont ainsi gagné la ligne de
crête voisine qui ouvre le chemin de l’aéroport
à sécuriser cinquante kilomètres plus loin.
A bord, il faut maintenant nous tenir prêts à
soutenir le groupe tactique débarqué car il est
encore fragile. Nous nous tenons donc à
proximité de la plage, mais aussi loin que
possible de la côte pour être plus discrets. Il
nous faut être en mesure de récupérer tout ou
partie des forces projetées s’ils n’arrivent pas
à établir une tête de pont. Nos moyens de
renfort reposent essentiellement sur le groupe
aérien d’hélicoptères qui assure des vols de
reconnaissance réguliers, mais aussi des
missions d’appui feu pour réduire une menace
apparue sur le trajet de progression des troupes
amies. Les hélicoptères Puma sont quant à eux
employés pour acheminer des groupes spécialisés
à un endroit précis, pour récupérer des
commandos et les infiltrer plus loin ou bien
rapatrier des blessés. Dans le cas d’une
opération plus ambitieuse ou plus longue, il
faudrait aussi ravitailler les véhicules et les
hommes, assurer les dépannages éventuels, pour
ne pas freiner la progression des unités de
l’avant.
Cette manœuvre délicate exige une coordination
méticuleuse ainsi qu’une bonne gestion des
compétences de chacun. C’est le rôle de
l’état-major tactique terrestre en lien direct
avec l’état-major marin. Il commence à
travailler à partir du bord grâce aux
transmissions installées et à la relative
quiétude de notre zone PC. Mais bien vite, il
est en mesure de se déployer à terre et peut
servir d’intermédiaire avec la base arrière que
constitue le BPC à la mer.
Mais la mer est aussi une zone dangereuse qui
exige du bâtiment des précautions importantes.
Ainsi, non loin du Mistral, le Dupleix veille.
C’est d’ailleurs lui qui détecte les aéronefs
menaçants. Poste de combat, la menace se
précise. Bientôt les missiles sont détectés, il
faut se protéger, mais aussi combattre. La
priorité du commandant est la poursuite de
l’action amphibie, tout doit donc être orienté
dans ce sens. Les impacts subis désorganisent le
bâtiment. Il faut réagir vite et reprendre
l’initiative.
Fort heureusement, il s’agissait aujourd’hui
d’un exercice rehaussé par la participation de
Mirage 2000 basés à Djibouti.
Ce soir, profitant d’une relative accalmie de la
situation terrestre, le Mistral d’est éloigné
vers le large, pour se dégager des zones
dangereuses, mais aussi plus simplement pour
fabriquer de l’eau douce afin d’arriver en
escale soutes pleines. Les osmoseurs
fonctionnent vite, mais il requièrent une eau
limpide pour ne pas encrasser leurs filtres.
Signé :
Gilles Humeau
7 mars 2008 - Ravitaillement en mer
avec le Var et le Dupleix
Nos troupes terrestres
progressent vite dans un terrain difficile et
bien différent des sols meubles rencontrés en
Arabie Saoudite.
Ce matin, confiants dans
l’autonomie plus importante de nos légionnaires,
nous avons desserré nos deux Gazelle à terre et
débarqué l’échelon résiduel de l’état-major
terrestre.
La journée fut mise à
profit pour recompléter nos réserves de gazole
auprès du Var, le pétrolier qui héberge l’état
major d’ALINDIEN. Ainsi, en début de matinée
nous sommes nous retrouvés, au nord de l’île
Maskali, à une demi-heure de mer de Djibouti.
Lors de notre présentation le Dupleix était déjà
à poste, prêt à recevoir son carburant. Peu
après nous étions nous aussi accrochés et avons
ainsi navigué de concert pendant une bonne
heure. En fin de période, l’Alouette du Var
venue assurer l’alerte chez nous a décollé pour
exercice, munie d’un appareil photographique.
Comme les pilotes avaient un doute sur le niveau
de leur batterie, je leur ai fait prêter le mien
et vous pourrez certainement regarder quelques
uns des beaux clichés rapportés sur la galerie
photo.
Une fois rassasiés les trois bâtiments se sont
séparés, le Dupleix filant vers un champ de tir
tandis que le Var regagnait un poste au
mouillage devant Djibouti.
Pour ce qui nous concerne, nous avions un
programme aéronautique chargé puisque
l’après-midi était consacré à l’appontage d’un
Super Stallion, l’un de ces énormes hélicoptères
que le BPC peut recevoir sur son spot avant. La
machine est massive, semble pataude, mais je
vous rassure, la puissance de ses moteurs fait
bien vite oublier cette première impression. Les
chiens jaunes présents sur le pont pourraient
vous dire combien le souffle du rotor est
puissant.
L’hélicoptère a ainsi
tourné une heure et demi autour du Mistral, pour
la plus grande joie des photographes, nombreux à
saisir l’événement. Plus modestement, les
Gazelle de l’armée de terre ont clôturé la
journée à la nuit tombée dans le golfe de
Tadjoura en nous amenant l’amiral Sautter venu
en tournée d’inspection dans la région. Il
passera quelques jours à bord.
Signé :
Gilles Humeau
Vendredi 7 mars 2008
Le port de Djibouti
avait ce matin des allures très militaires
puisque nous étions 5 grands bâtiments de guerre
dans le port.
Comme il y a deux ans,
le Mistral a accosté au poste 10 juste après le
Dupleix qui manoeuvrait seul lui aussi.
Comme nous sommes vendredi, la seule
manifestation organisée a lieu à Arta dans la
résidence de villégiature de l’ambassadeur de
France. Juste après, profitant de la présence de
quatre amiraux français dans le port, les
commandants des bâtiments de la force d’action
navale seront invités à dîner par ALINDIEN sur
le Var.
Dès demain, les excursionnistes auront la chance
d’aller visiter les îles Mousha et Maskali, le
lac Assal ou la forêt du Daye, autant de noms
qui chantent aux oreilles des marins familiers
du lieu ou amoureux des aventures d’Henry de
Monfreid.
Depuis deux jours, le
Mistral était en service du dimanche, les deux
premières journées de détente à terre depuis
l’appareillage de Toulon.
Les nouveaux venus
racontent combien la ville est pouilleuse et
malodorante, les vieux djiboutiens assurent
qu’elle est beaucoup plus propre qu’autrefois et
qu’elle évolue dans un sens de rigueur.
Pourtant, je suis d’avis de vous dire que
Djibouti change peu d’un an sur l’autre. Les
rues ont toujours autant de charme, de couleurs
et les vendeurs des « caisses » autant de verve
pour marchander des croix coptes, de «
véritables » antiquités ou des produits en bois
et pierre de l’artisanat kényan. Nos restaurants
fétiches sont ouverts et si Ogoul a du mal à
servir de la langouste, Youssouf continue de
cuire ses délicieux poissons yéménites. Seul
sacrifice à la tradition, il les présente dans
des plats de plastique au lieu du papier journal
qui a fait sa réputation. Mais les couverts sont
en option !
Samedi, nous avons également salué l’ambassadeur
Moureau qui rentrait en France dans le même
avion que Ronan Olier, notre peintre officiel de
la Marine.
Notre ami avait manifestement du mal à quitter
le bord et je témoigne du fait qu’il dessinait
encore dix minutes à peine avant de franchir la
coupée…pour le tee-shirt que nous projetons de
faire confectionner !
Hier, peu après le départ de l’amiral Sautter
qui poursuivait son périple d’inspections, les
organisateurs de Guistir 08 ont investi les
lieux.Une vingtaine de nations participe en
effet à un club luttant contre la prolifération
nucléaire, et pour la première fois un exercice
sur ce thème a lieu en Afrique, co-dirigé par la
République de Djibouti et la France.
Aujourd’hui, les gabiers se sont époumonés à
siffler les autorités montant à bord pour la
première phase de l’exercice qui consiste en des
conférences et des travaux de groupe. A midi,
les cuisiniers et maîtres d’hôtel étaient bien
sollicités pour restaurer la petite centaine de
séminaristes. Prestation impeccable et
remarquée, je vous l’assure !
Signé :
Gilles Humeau
Mercredi 12 mars 2008
La journée était encore
consacrée à Guistir, mais en mer cette fois-ci.
Au programme, une
démonstration d’arraisonnement d’un navire
suspect (le Mistral) par une force de
circonstances combinant des Mirage 2000, un
Atlantique 2, l’équipe de visite persuasive du
Dupleix et l’action musclée des commandos marine
déposés à bord par Puma en un temps record.
La matinée ressemblait à une miniature des
journées de présentation de la Marine auxquelles
nous participions à Toulon début février. Peu
avant l’accostage, nos hôtes ont ovationné le PM
Dussol, représentant l’équipe complète des
cuisiniers. Quelle fierté !
Nous avons débarqué tout le monde à quai au
cours de l’escale la plus courte du Mistral, en
20 minutes tout compris...
Nous voici en route vers l’Est à la poursuite du
Dupleix qui nous précède de quelques heures dans
le golfe d’Aden.
Pour la première fois depuis longtemps
l’équipage se sent seul, mais aussi un peu
soulagé disons-le, après un mois de mer bien
dense.
Signé :
Gilles Humeau
Photos de
l'exercice GUISTIR / Remerciements
Lieutenant colonel
Fusalba
En l’absence d’exercice
en cours ou prévu à très court terme, la journée
semble un peu vide et l’équipage se défend, mais
sans vraie conviction, d’être désoeuvré…
Nous avons retrouvé
cette nuit le Dupleix qui rebroussait chemin
afin d’accueillir un Puma de l’ALAT venu lui
remettre une pièce détachée pour son hélicoptère
Lynx. Les deux bâtiments sont donc relativement
proches et progressent au milieu du Golfe
d’Aden.
Bien que nous naviguions loin des côtes, hors de
portée radar pour les opérateurs du central
opérations, les équipes de protection défense
sont toujours sur le qui vive en raison des
trafics nombreux qui traversent cette partie de
l’océan Indien.
D’ailleurs, dès hier soir à la tombée de la nuit
nous avons croisé sur notre route deux esquifs
pratiquement vides qui traversaient du Nord au
Sud, du Yemen vers la Somalie. Il est
vraisemblable qu’ils avaient effectué la nuit
dernière quelque transaction plus ou moins
légale.
Toute la journée, les équipes de quart ont
continué à surveiller la navigation commerciale
qui parcourt le Golfe d’Aden selon deux routes
principales, l’une en provenance du golfe
arabo-persique, l’autre de l’extrême orient vers
lequel nous filons.
Un peu plus tard dans la journée, un exercice de
repêchage d’homme à la mer a brisé la monotonie
d’une route bien rectiligne vers la corne de
l’Afrique. Il était destiné à l’entraînement du
chef de quart, l’un des trois officiers tout
nouvellement « lâchés » à la passerelle. Inutile
de vous dire que c’est un grand jour pour eux et
que le traditionnel « Enseigne de vaisseau
Simeoni, je prends le quart ! » était en fait
moins assuré que le ton employé…
Dans le même temps, les services profitaient du
calme pour avancer leurs travaux propres. Les
uns faisaient de l’instruction, les autres de
l’entretien de matériels un peu laissés pour
compte depuis quelques jours.
Plus rigolote, la diffusion de l’aspirant Maud
Manteau a relancé les artistes du bord pour un
concours de motif, dans l’idée de faire
confectionner un T-shirt de mission à Singapour.
Je crois savoir que certains espèrent bien
dépasser les traits magiques de Ronan Olier
jetés au feutre sur une grande feuille de
papier.
Mais rien de tel pour revenir à la réalité
qu’une bonne alerte sécurité. Il s’agissait d’un
exercice de feu de cuisine parfaitement
orchestré par l’engagement habituel du maître
principal Kousker. Le rythme est pris, mais
c’est promis, foi de Second, on laissera
souffler le secteur vivre bien sollicité depuis
un mois.
Signé :
Gilles Humeau
Vendredi 14 mars 2008
La force gagne vers
l’Est et le jour se lève plus tôt chaque jour.
Et comme il se couche également plus tôt à
mesure que nous progressons, le mieux est de
changer d’heure pour rester calés avec le
soleil.
Les heures en service,
repérées par une lettre de l’alphabet qui «
avance » avec nous, sont donc modifiées
régulièrement.
Ainsi, alors que vous êtes en heure « A » en
France, nous étions en heure « C » à Djibouti et
nous venons de passer en heure « D » cette nuit.
Nous avons ainsi trois heures de décalage et la
différence augmentera jusqu’au Japon ou nous
serons sept heures en avance sur la Métropole.
Les changements s’effectuent dans ce sens comme
en Europe, c’est à dire qu’à 02h00C il était
03h00D. Les veinards de quart entre minuit et
quatre heures étaient contents. Au retour en
revanche, nous bénéficierons d’une heure de plus
dans la journée, traditionnellement au moment de
la sieste.
Nous progressons sans faiblir et arrivons ce
soir au Nord de la corne africaine. Encore dix
jours avant de toucher la terre et pourtant le
travail de préparation s’active pour monter
notre escale japonaise mi-avril ; elle promet
d’être agitée, notamment pour le secteur vivres
et les équipes de garde ! Pour autant,
l’entraînement se poursuit et chacun y met du
sien… ou presque !
Nous avions en effet un exercice de crash
d’hélicoptère sur le pont d’envol avec une
simulation d’extension du sinistre dans le
bâtiment. Rien de bien méchant en théorie, mais
comme l’investissement manquait un peu, les
organisateurs ont simulé d’autres départs de
feux.
La situation était si grave qu’une bordée ne
parvenait pas à endiguer le sinistre. Le
commandant en second a donc naturellement fait
rappeler tout l’équipage au poste de sécurité.
Dans ce cas, on rassemble tout le monde au même
endroit pour constituer des équipes optimisées
avec le personnel disponible.
L’organisation du troupeau est particulièrement
ardue puisqu’elle doit repérer toutes les
spécificités des membres d’équipage. En
revanche, elle décuple les forces et permet
d’alimenter le directeur de la lutte avec le
matériel et les hommes les plus aptes à
intervenir. Si par malheur le sinistre est le
plus fort, il faut alors se résoudre à évacuer
le bâtiment.
En fin d’après-midi, madame Babey inaugurait un
atelier photo destiné à tous ceux qui veulent
apprendre à tirer le meilleur parti de leur
appareil photographique, à respecter les règles
élémentaires de cadrage et de composition des
images, mais aussi pour les plus accrochés à
utiliser au mieux les logiciels de retouche
d’image. Mais ce soir, la France s’apprête à
prendre deux jours de congés et les messages se
précipitent sur les ordinateurs, comme pour
donner du travail à ceux qui continueront de
travailler en mer…
Signé :
Gilles Humeau
Samedi 15 mars 2008
C’est vraiment le WE en
France.
Le flux des messages a
sensiblement diminué depuis la frénésie d’hier
après-midi.
Le calme est également perceptible à bord
puisque nous entamons ce soir la traversée de
l’océan indien depuis le nord de l’île yéménite
de Socotra vers l’archipel des Maldives. Mais
surtout, l’équipage est sans conteste mobilisé
par le barbecue de ce soir qui rassemblera tout
l’équipage autour d’un repas convivial.
La première compagnie qui regroupe globalement
les manœuvriers et l’équipe des navigateurs, en
est responsable. Les braseros sont installés sur
l’ascenseur arrière en position basse pour
éviter que le lieu du repas soit balayé par le
vent. La précaution née d’expériences
malheureuses se justifie peu ce soir puisque le
vent reste très faible.
En effet, nous avons eu une belle journée,
baignée par un soleil de plomb qui écrasait les
ombres et faisait évaporer l’eau en surface, au
point qu’à l’horizon le ciel et la mer se
confondaient.
Demain c’est dimanche et la journée sera chômée
pour le bord.
Signé :
Gilles Humeau
Dimanche 16 mars 2008
Journée calme à la mer
qui permet à tous de se reposer. S’il fallait
trouver un thème, ce serait sans doute pour
rappeler le tournoi de badminton qui a vu
s’opposer un très grand nombre d’équipes dès ce
matin, principalement dans le hangar
hélicoptères ou se trouve l’un des trois
terrains « tracés » du bord.
Les deux autres sont
dans le radier (ils ont été tracés après le
départ du major Frelin !), mais par les temps
qui courent l’humidité ambiante rend la
performance sportive plus pénible.
Parmi les bonnes équipes très vite repérées,
celle du capitaine d’armes, mais aussi celle du
premier maître Pouget, le contrôleur, allié au
commandant en second que beaucoup de marins
donnaient gagnante. En cette période de
notation, le soutien était sage…
Mais c’était sans compter la performance de
l’équipe du troisième régiment d’hélicoptères de
combat (pas notée par le commandant en second)
qui a décroché sa place en finale après un match
acharné et fort équilibré. Elle a ensuite battu
les vainqueurs de l’autre poule emmenés par le
major Georges, plongeur démineur en renfort sur
le Mistral (pas noté lui non plus par le
commandant en second).
Plus tard, à la nuit, le Père Frey célébrait la
messe des Rameaux sur la plate-forme arrière.
Notre aumônier catholique participe à
l’intégralité du déploiement.
Il nous vient du Charles de Gaulle sur lequel il
est affecté et découvre à bord la vie bien
différente de celle du grand bateau plat.
Rapidement intégré dans l’équipage, il tient
régulièrement le salon de coiffure et vient
d’être inséré dans l’équipe des aides vendeurs
de la coopérative. Les esprits les plus
revendicateurs espèrent que cela permettra
d’augmenter le nombre des créneaux d’ouverture !
Par acquis de conscience, j’ai également essayé
de consulter mes mails sur Internet aujourd’hui.
Je peux vous assurer que je n’étais pas le seul,
surtout à en juger par la lenteur de la
connexion partagée entre les différents
utilisateurs.
A n’en pas douter, l’avancée technologique est
bien utile et connue ; reste à poursuivre les
efforts pour assouvir la demande, surtout
pendant les heures de détente.
Enfin, au hasard des tours de course sur le pont
ou des rêveries sur la plage arrière pour
bénéficier des mélopées au biniou du
premier-maître Gaillard, on pouvait apercevoir
quelques nuages d’altitude, de plus en plus
nombreux à mesure que le soir arrivait. Le
météorologiste nous annonce en effet depuis deux
jours la formation d’une perturbation tropicale
au sud-est de Ceylan. Il faut nous attendre à
danser les jours prochains, mais il fera sans
doute meilleur naviguer sur le Mistral que sur
un chasseur de mines !
Signé :
Gilles Humeau
Lundi 17 mars 2008
Ce matin, le Dupleix
nous a quittés pour faire route vers le port de
Male aux îles Maldives afin d’y compléter ses
soutes de gasoil. Nous le retrouverons mercredi.
Pendant ce temps, les
équipes impliquées dans la conduite nautique
réfléchissaient comme chaque année à la
meilleure manière de naviguer en sécurité.
Au menu, outre l’introduction toujours trop
philosophique du commandant, les discussions
portaient sur la connaissance de la
documentation, l’analyse d’événements nautiques
récents, mais c’est surtout la connaissance
mutuelle entre les « pontusses » et les «
mécanos » qui a guidé la matinée.
Comment en effet ménager notre source d’énergie
en tirant le maximum de la machine ? Vastes
chamailles si vous m’en croyez, sur fond
d’incompréhensions heureusement souvent feintes
!
Profitant de ce que notre prochain point de
rendez-vous n’est pas si loin et dans deux jours
seulement, le programme prévoyait de consommer
notre avance en effectuant une plongée en eaux
libres sous le bâtiment à la dérive.
Dans le même temps, l’Alouette III de la
flottille 35F devait s’entraîner au treuillage
de naufragés en mer. Enfin, comme nous étions
obligés de rester immobiles pendant quelques
heures, l’occasion était trop belle pour les CTM
d’aller s’entraîner eux aussi… … et pendant ce
temps, le radier, rempli d’eau n’attendait que
les baigneurs restés à bord pour une séance
récréative très attendue !
Eh bien c’est raté ! Le mauvais temps annoncé
générait une houle significative interdisant aux
plongeurs de se mettre à l’eau sous la coque, et
les manœuvres de CTM s’avéraient périlleuses…
La baignade attendra une autre occasion au grand
damne de ceux qui s’étaient peut-être déjà
changés. En lieu et place, les chefs de quart
ont pu s’entraîner à la manœuvre autour d’un
croisillon surmonté d’un pavillon à la croix
rouge, patiemment réalisé sous la direction du
maître Audrey Samper.
Ainsi, en milieu d’après-midi, nous avons repris
notre route vers l’Est à petite allure pour
économiser le carburant et permettre aux
mécaniciens d’effectuer l’entretien régulier des
diesels alternateurs. Pourtant, avec la
température de l’eau de mer, l’humidité ambiante
et l’activité résiduelle du bord, il n’a pas été
possible d’obtenir les paramètres souhaités.
L’entretien attendra demain ; les mécaniciens
savent rester souples.
J’allais oublier de vous donner le résultat du
concours de motifs pour le T-shirt, remporté
sans conteste par le second-maître Marc. Il
associe dans un dessin rond les deux silhouettes
du Mistral et du Dupleix, le drapeau japonais
rayonné rouge et blanc, au dessus d’une carte de
l’océan indien supportée par un Gavial stylisé.
Signé :
Gilles Humeau
Mardi 18 mars 2008
En prévision d’une
activité dense demain, la journée était
relativement calme et marquée par la réunion de
la commission participative d’unité (CPU) qui
permet à toutes les catégories de personnels de
recevoir des nouvelles du programme d’activité
par le commandant, de poser les questions
restées sans réponses et de faire remonter les
doléances.
Les petites
reconfigurations du programme du déploiement,
mais également la perspective d’aller au Havre
en juillet ont été abordées, tout comme les
inévitables ajustements de la vie commune à bord
au cours d’un déploiement de longue durée.
Parmi les questions récurrentes, on trouvait des
interrogations sur les horaires de travail, sur
l’utilisation d’Internet à la mer, mais
également des questions relatives à la buanderie
ou au sport sur le pont d’envol.
A l’issue, un déjeuner au carré commandant
clôturait la réunion.
Cet après-midi, le médecin organisait une
instruction au profit des brancardiers.
Cette fonction est traditionnellement remplie
par les commis, fourriers, maîtres d’hôtel et
secrétaires du bord. A chaque alerte sécurité,
mais aussi lors des exercices d’homme à la mer
ou de postes de combat, ils rallient
l’infirmerie et constituent des équipes chargées
d’évacuer les blessés éventuels vers l’hôpital.
Leur rôle est capital car ils prodiguent les
premiers soins dans l’urgence et doivent ainsi
connaître les bases du secourisme.
Aussi, le médecin et les infirmiers
professionnels profitent-ils de toutes les
occasions pour les instruire. Ils se
reconnaissent au brassard à croix rouge qu’ils
portent sur la tenue de protection de base et
travaillent en équipes de cinq ou six. C’est en
effet le minimum requis pour descendre en
brancard un poids lourd dans les échappées !
Cet après-midi, nous avons croisé un grand
nombre de bâtiments de commerce qui assurent la
ligne entre l’extrême orient et le golfe d’Aden.
Ce sont principalement des porte-conteneurs qui
filent à plus de vingt nœuds. Leur route est
très étroite au milieu de l’immensité de l’océan
; l’horizon est à nouveau vide devant nous avant
de rencontrer le rail provenant du golfe
persique et ses pétroliers.
Enfin, nous souhaitons tous un bon anniversaire
à Marie Babey qui fête chaque année ses quinze
printemps et demi le 18 mars !
Signé :
Gilles Humeau
Mercredi 19 mars 2008
Nous avons traversé hier
soir le « nine degrees channel » qui permet aux
navires hauturiers de traverser le Nord des iles
Maldives, vers le sud de l’Inde ou l’extrême
Orient.
Ce matin, nous avons
ainsi retrouvé le Dupleix après son
ravitaillement à Male et faisons à nouveau route
de conserve vers le sud de Ceylan.
Le rendez-vous a été avancé pour permettre une
consultation dentaire en urgence au profit d’un
officier marinier supérieur de la frégate. Enfin
un « cas intéressant » (… !) pour notre dentiste
réserviste, travaillant habituellement à Roanne
et parmi nous jusqu’à Port Kelang.
L’activité phare du jour, un « MACOPEX supérieur
», faisait travailler l’ensemble de l’équipage
au poste de combat, pour lutter contre les
sinistres occasionnés par l’explosion d’une
torpille et de nombreux projectiles
aéronautiques.
Je peux vous dire que la sauce était salée !
Outre quelques artificialités inévitables,
l’équipe d’analyse de la situation a du faire
face à une situation initiale confuse et
difficile à récupérer en raison de la perte du
système normal de communications à bord. Il a
fallu des trésors d’ingéniosité pour retrouver
l’initiative et reconquérir le bâtiment en proie
aux flammes fictives, mais envahi par la fumée
réelle du générateur fétiche des équipes
d’animation.
Comme la situation n’était pas maîtrisée en fin
de matinée, la cuisine eût même l’occasion de
nous prouver son efficacité en organisant un «
mess in action ». Il s’agit d’un déjeuner
express en moins d’une heure, cuisine comprise.
Essayez et vous verrez si vous trouvez une autre
idée que la salade de macédoine et les raviolis.
Au dire des experts, ceux de ce millésime
étaient moins brûlants, mais plus secs…
Finalement, tout est rentré dans l’ordre en
début d’après-midi.
Le bruit est rare à présent car les corps sont
fatigués. Dehors, les grains violents que nous
traversons rappellent que nous naviguons en
plein dans la zone intertropicale de
convergence, connue pour ses pluies diluviennes.
Pourtant, la dépression que nous redoutions hier
encore semble s’éloigner sans vraiment se
creuser, heureusement pour nous !
Signé :
Gilles Humeau
Jeudi 20 mars 2008
Aujourd’hui, la NPV de
Singapour est parue dans les carrés. Le travail
de rédaction de cette « notice pour visiter »
est l’œuvre de l’aspirant REM, élève
polytechnicien en stage à bord jusqu’au Japon et
plus connu à bord sous le pseudonyme de « Karate
Kid ».
Il l’a confectionnée à
partir des guides divers qu’il a pu trouver à
bord. On y trouve pêle-mêle des précisions
historiques, ethnologiques sur l’île-Etat, mais
aussi de bonnes adresses de restaurants ou
magasins, sans oublier les renseignements
pratiques sur la vie locale.
Ainsi, les nouveaux venus à Singapour
apprendront-ils qu’il leur coûtera 500€ de
laisser tomber un papier dans la rue !
Pour autant, l’entraînement ne faiblit pas et
c’était au tour des artilleurs, un peu délaissés
depuis quelques jours de montrer qu’ils n’ont
pas trop perdu de leur savoir-faire. Nous avons
donc enchaîné deux exercices.
Le premier était destiné à améliorer notre
capacité de réaction contre des vedettes rapides
cherchant à nous saturer. Nous avions donc
largué quatre gros ballons de baudruche
multicolores, comme autant de cibles. Le Mistral
évoluant au milieu d’elles, les servants
d’affûts pouvaient voir l’ennemi virevolter
autour de nous.
L’exercice profitait également au chef de la
défense à vue qui avait le devoir de faire le
tri entre les bons et les méchants, sans oublier
la nécessaire autorisation du commandant pour
faire feu, après le feu vert des officiers de
quart au central opérations et à la passerelle.
A l’issue, changement de décor, les avions
remplaçaient les vedettes. Le tir anti-aérien
est difficile car les ballons évoluent plus vite
au gré du vent.
Pourtant, est-ce parce qu’ils étaient chauds,
nos canonniers ont fait mouche presque à chaque
fois. Imaginez, il reste des munitions non
tirées pour la prochaine fois !
Signé :
Gilles Humeau
Vendredi 22 mars 2008
Vous n’imaginez
peut-être pas qu’une révolution est intervenue à
bord du Mistral aujourd’hui…
Le changement d’heure
initialement prévu la nuit prochaine a eu lieu
cet après-midi.
Ainsi, sans que cela apparaisse immédiatement,
le commandant en second a accepté de travailler
une heure de moins… A refaire, assurément !
Cela dit, le travail n’a pas manqué à la machine
pour tenter de réparer un collecteur d’eau de
mer de refroidissement sur un diesel
alternateur. L’imbrication des tuyaux est telle
que la tâche s’est vite révélée trop ardue à la
mer.
Elle sera reprise à Singapour car elle ne rend
pas la machine indisponible. N’empêche, avec la
température qui règne dans le compartiment
machine, l’épreuve était sévère pour les
mécaniciens.
Sur la carte, le groupe Mistral-Dupleix a
maintenant traversé les deux tiers du golfe du
Bengale et déjà les routes des navires de
commerce que nous « voyons » au radar dans notre
Nord, commencent à converger vers le passage
obligé au sud des îles Nicobar.
Signé :
Gilles Humeau
Dimanche 23 mars 2008
Aujourd’hui, nous fêtons
Pâques à la mer, mais sans chasse aux chocolats
sur le pont d’envol. A vrai dire, l’énergie
dépensée depuis hier aurait presque pu nous
faire oublier que la journée est chômée, au
moins dans le programme.
L’opération d’évacuation
sanitaire d’un marin du Dupleix vers Kuala
Lumpur vient de s’achever à la nuit tombée, mais
il s’en sera fallu d’un cheveu…
Hier en effet, juste après un exercice de
défense aérienne face aux agaceries et
agressions plus ou moins franches de l’Alouette
de la 35F, nous effectuions un exercice de tir
sur ballonnets coordonné avec le Dupleix, notre
GO du moment.
Plus encore, les CTM étaient de la partie pour
rattraper l’annulation de leur déradiage du 17.
Après quelques hésitations liées à la
juxtaposition de plusieurs trains de houle qui
compliquaient la manœuvre amphibie, quatre
bâtiments se sont donc retrouvés en file
indienne au milieu d’un parterre de ballons de
toutes couleurs.
Le tir en lui-même s’est plutôt bien déroulé,
mais les résultats ne sont pas aussi nets que
ceux de l’autre jour. Pourtant, sachant que «
les autres » regardaient, la motivation des
tireurs était perceptible dans le regroupement
des impacts au voisinage immédiat des cibles.
Seulement, il en reste quelques unes intactes…
Mais l’amour propre sait céder la place à
l’engagement de tous et nous l’avons très vite
réalisé à midi lors de l’annonce du besoin
d’évacuer un blessé sur le Dupleix. L’Alouette
opportunément mise en place sur la frégate,
s’est rapidement configurée pour transporter le
marin en lieu et place du treuillage prévu.
Déjà les médecins se contactaient pour conforter
le diagnostic, prenaient contact avec leur
homologue de l’état major d’ALINDIEN en escale à
Madagascar, puis avec un spécialiste de
l’hôpital militaire de Toulon. Une opération
chirurgicale s’imposait ans les 12 à 24 heures.
Sans attendre, l’activité prévue était annulée,
les deux bâtiments montaient en allure pour se
rapprocher des côtes distantes de près de 300
miles, le Dupleix accélérait encore pour gagner
sur l’avant et servir, au cas où, de plate-forme
relais pour un hélicoptère.
Les cartes nautiques et aériennes sortaient des
tiroirs pour étudier a priori la faisabilité de
gagner la terre avec nos machines théoriquement
limitées aux abord immédiats de la force, mais
aussi objectivement bloquées par leurs rayons
d’action.
Chasse aux dérogations, pesée des risques,
élaboration de critères de décisions, recherche
d’informations météorologiques fines, le
téléphone ne passe pas, plus vite encore,
options à conserver, le pod tribord chauffe, il
faut réduire, Thaïlande, Malaisie, Indonésie,
tout de suite, demain, dans la nuit,
ravitaillement, 55 nœuds de vent sur le pont,
Banda Aceh, cela ne « passe » pas, encore
gagner, les grains sont violents sur l’avant, il
faut lancer dès que possible, la « clearance »
est en cours…18 heures : deux machines décollées
bâbord !
Peu après, dès la perte du contact radio et
radar avec les deux Gazelle de l’armée de terre
et c’était le début d’une longue attente mise à
profit pour faciliter la suite et gagner encore
sur le temps dans cette course effrénée contre
la montre.
Six, puis huit heures étaient déjà consommées,
plus que 4 heures de vol et deux ravitaillement,
pourquoi n’appellent-ils pas ? La nuit a ainsi
résonné d’informations contradictoires,
d’espoirs vite déçus, de relances à la limite du
possible pour faire livrer du pétrole par un
essencier préférant les petites coupures aux
assurances de l’ambassade de France.
Mais le blessé progressait vers la Malaisie,
l’ambulance était prête, l’équipe chirurgicale
parée à intervenir dans la nuit, 15 heures déjà
; ils ont redécollé de Médane, dans deux heures
ils seront posés...
L’équipée a ainsi duré jusqu’à la fin de la
nuit, tout au long des 600 miles (la distance
entre Nice et Brest !) qui nous séparait de
Kuala Lumpur.
Notre marin a été opéré moins de 20 heures après
son accident et conserve donc toutes ses chances
d’être bientôt rétabli.
Aujourd’hui, le retour des Gazelle s’est bien
passé sitôt que nous avons pu être à leur
portée. Dans l’après-midi, le nouveau changement
d’heure nous éloigne encore de vous. Sept heures
de décalage ! Pourtant, ce changement a été
avancé de 24 h ce matin même pour ne pas
fatiguer davantage l’équipage avant l’arrivée à
Singapour.
Voyez comme les marins sont libres, au point de
vivre à l’heure qui les arrange pour faciliter
telle ou telle activité ! Ainsi du vol de nuit
qui tombe au moment du repas, du besoin de
travailler plus tôt, à la fraîche, sans
perturber le rythme biologique, etc…
Dans la journée, peu après la messe de la
Résurrection, l’aumônier a gagné le Dupleix ou
il restera jusqu’à Singapour. Cet après-midi,
les photographes ont pu remettre leurs chefs
d’œuvre pour la seconde édition du concours
présidé par Marie Babey.
Sur l’eau, le paysage a bien changé. Nous sommes
depuis cette nuit dans la mer des Andamans, dans
la partie septentrionale de l’entonnoir menant
au détroit de Malacca.
Le trafic devient dense, d’autant plus que les
fonds peu importants sont prisés par les
pêcheurs.
Demain, nous embouquerons le détroit le plus
passant du monde.
Signé :
Gilles Humeau
Lundi 24 mars 2008
Les orages magnifiques
qui illuminaient l’horizon hier soir ont
disparu. Le Mistral est précédé du Dupleix dans
les premiers miles nautiques du long dispositif
de séparation de trafic.
Cela n’empêche en rien
les exercices de continuer dans le bord, comme
en témoigne cette alerte au colis piégé
déclenchée dans la matinée, juste au moment ou
les trois hélicoptères partaient à l’assaut des
montages indonésiennes couvertes de jungle et de
rizières.
Et comme tout ne se passe pas toujours au mieux,
la bombe fictive, rapidement découverte dans le
hangar hélicoptère, a fini par exploser malgré
la présence à bord d’une équipe de démineurs,
paix à leurs âmes !
L’occasion était en effet trop belle pour rater
l’extension à un grand exercice sécurité…
Ce soir, les deux bâtiments sont sur une
autoroute maritime aux accents de chassé-croisé
estival.
Nous nous faisons doubler en trombe par des
porte-conteneurs monstrueux, dépassons des
cargos-limaces tout en zigzaguant au milieu des
pêcheurs inconscients mais fort habiles pour
dégager au dernier moment.
Les dispositions de protection défense ont
naturellement été reprises face aux pirates dont
on reportait encore hier une tentative d’attaque
tout près d’ici.
Dès ce matin, le Mistral
s’est rempli de têtes nouvelles avec l’arrivée
des participants à l’exercice Black Arrow. Les
forces spéciales sont ainsi embarquées sur le
BPC pour conduire la reprise de vive force d’un
bâtiment français, investi par des pirates dans
les eaux singapouriennes…
Tout un imbroglio
juridique et diplomatique propre à passionner
les états-majors !
Notre rôle était d’offrir une plate-forme de
lancement, mais aussi de direction de l’assaut.
Dans les faits, cet exercice se déroulait cet
après-midi à l’ouest de « Raffles Island », à la
pointe sud de l’île principale de Singapour.
Nous avons donc repris la route commerciale au
milieu du dispositif de séparation du trafic,
comme l’un des 1000 bâtiments qui empruntent
quotidiennement l’autoroute maritime la plus
fréquentée au monde.
De jour comme de nuit, les navires de tous
acabits et de tous tonnages se croisent, se
doublent et se laissent passer dans un ballet
incessant et toujours tendu.
Heureusement, le lieu de l’interception du «
client » était un peu à l’écart et nous avons pu
assister en direct à l’assaut de nos camarades,
avant de repartir vers l’Est et la mer de Chine.
Signé Gilles Humeau
Samedi 29 mars 2008
Fort heureusement la
densité du trafic a baissé et nos voisins de la
nuit se sont évanouis vers des contrées
différentes ou des routes divergentes.
Par chance également, le
week-end en France limite la frénésie des
rédacteurs métropolitains qui nous ont asséné un
grand nombre de messages pendant l’escale et la
journée d’hier.
L’activité a donc été consacrée à remettre de
l’ordre à bord, à digérer l’escale et à nous
mettre à jour du travail accumulé dans la
semaine.
Au hit parade des tâches, l’escale de Tokyo
dispute la vedette à celle de Shanghaï, sans
oublier naturellement les travaux préparatoires
à la notation annuelle de l’équipage qui
occupent bien les cadres.
Alors, afin que les autres ne se sentent pas
abandonnés, le Chef avait préparé un exercice
sécurité de reprise, dirigé pour sa formation
par le major Richard.
Nous nous avançons maintenant dans les îles du
Sud de la mer de Chine, à la nationalité souvent
controversée, mais prisées par les pêcheurs si
j’en juge par la densité des embarcations autour
de nous !
Il fait encore beau, mais notre grenouille
annonce une baisse des températures pour les
jours à venir.
Signé Gilles Humeau
Dimanche 30 mars 2008
Pour la troisième fois
depuis notre départ de Toulon, la trêve
hebdomadaire du dimanche à la mer a pu être
respectée.
Elle a commencé hier
soir avec le barbecue ma foi fort réussi,
organisé par la cinquième compagnie, celle des
sécuritards.
Nous avons en particulier apprécié la profusion
de fruits exotiques qui composaient le dessert.
Vous connaissez le « fruit du dragon » ?
Ce matin après sa messe, le Père Frey nous a
quittés pour passer une semaine sur le Dupleix.
Il était accompagné, mais pour la journée
seulement, par madame Détrée et l’aspirant Rem.
En retour, nous avons accueilli à bord deux
équipes de football de la frégate pour le
tournoi de « foot en radier » qui servait
d’ossature à l’activité sportive du jour.
Ce soir, alors que la nuit d’encre nous avait
déjà recouverts, notre route a croisé bon nombre
de concentrations de pêcheurs répandant sur
l’eau une nuée de lumignons. Il s’agit de
petites embarcations qui soutiennent de loin en
loin des filets longs de plusieurs kilomètres.
Ils sont ainsi une quarantaine d’esquifs barrant
la mer sur plus de 15 km.
Grâce aux reflets sur l’eau, leur nombre semble
encore accru, et pourtant leur image radar
n’apparaît qu’au dernier moment.
Un cauchemar pour le chef du quart…
Signé Gilles Humeau
Lundi 31 mars 2008
Notre petit bonhomme de chemin se
poursuit par une météorologie clémente en mer de Chine.
Nous transitons aujourd’hui au large des
côtes vietnamiennes vers le détroit de Luzon au Nord des
Philippines. L’entretien au sens large a repris ses droits pour
l’équipage qui profite du calme relatif de la météorologie pour
combattre « du temps l’inévitable outrage ». L’œil exercé de
madame Détrée ne s’y est pas trompé puisqu’elle peignait cet
après-midi un marin affairé à briquer son matériel dans le
radier. Par ailleurs, elle a exposé dans la coursive du pont 2
au profit de l’équipage sa production de gouaches réalisées à
bord.
Ailleurs, l’inscription aux excursions en Chine alimente les
conversations des marins. Figurez-vous qu’une centaine de
volontaires projette de se rendre sur la Grande Muraille au
cours d’un voyage de deux jours. Naturellement, il faudra
composer avec les tours de service non encore sortis, sans
compter que le commissaire s’arrache les cheveux pour faciliter
le paiement en Yuan de ces voyages.
Plus près de nous, l’escale prochaine à Tokyo suscite quelques
inquiétudes légitimes à la vue du programme d’activité qui
s’annonce complètement fou. Jugez plutôt : deux coquetels, un ou
deux déjeuners de représentation, un dîner du ministre de la
défense japonais, deux demi-journées de soutien à l’exportation,
une journée de séminaire de défense, une journée de visites
d’écoles, sans oublier les tâches habituelles comme le
recomplètement des vivres. Les distractions seront rares pour
l’équipage, malgré la charge prise par le Dupleix qui organisera
un coquetel et accueillera une vente de charité au profit de la
communauté d’Emmaüs. Restent les inévitables rencontres
sportives…
Ce programme traduit bien l’évolution de nos déploiements depuis
quelque temps. La notion de repos des équipages lors de haltes
régulières cède le pas aux opérations de relations
internationales et de soutien aux exportations. Plus que jamais,
le rôle d’ambassade flottante attribué aux bâtiments de guerre
en escale prend de l’importance.
Ce soir, à la faveur d’une nuit « démonstrative » puisque bien
noire, nous avons félicité le LTT Osmanovic de l’ALAT qui a été
confirmé à l’appontage de nuit. A lui les belles missions !
Signé Gilles Humeau
Mardi 1er avril 2008 ...
La nouveauté du jour était d’importance,
à tel point qu’elle a été diffusée dès ce matin lors du
traditionnel « point de situation » prononcé par le chef du
quart après le branlebas.
L’équipage était invité à dégager le
pont d’un banc de poissons volants rencontré dans la nuit et
échoué sur le Mistral. Malheureusement, seul le photographe
s’est présenté, et nul ne sait s’il était venu saisir la
déconvenue des marins abusés dans leur crédulité, ou bien s’il
était lui-même victime du poisson d’avril !
Nous remontons toujours vers le Nord-Est et devrions doubler la
pointe Nord des Philippines dans la journée de demain. Le temps
jusqu’ici clément commence à se gâter. Pour l’instant, seule une
houle de plus en plus marquée commence à nous bercer et le ciel
reste clair. Mais la Grenouille n’est pas optimiste… et la
température encore agréable descend inexorablement !
L’activité du jour a mis les aéronautes de la 35F à l’honneur
puisqu’ils ont réussi à voler à trois reprises. La mission
traditionnelle d’investigation sur l’avant de notre route a
permis au MP Larsonneur de prendre de la hauteur, et la séance
de « posés décollés » de cet après-midi visait à sensibiliser le
LV Mellaza et le SM chef de quart Droguet sur les contraintes de
l’aéronautique vue de l’hélicoptère. Enfin, une heure de
ravitaillement par charge suspendue sous l’Alouette a permis aux
équipes de pont d’envol de se mécaniser.
Et puis dans la journée, nous avons accueilli trois officiers du
Dupleix venus préparer un exercice de protection défense que
nous espérons bien mener dans trois jours… météo permettant
naturellement.
Enfin, l’heure fatidique arrive ou nous perdrons le lien
satellite si pratique qui nous permet d’échanger facilement avec
la terre… Nous allons retrouver le 20ème siècle pendant deux
semaines !
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