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Mercredi 30 avril 2008

Escale à Port Klang (Malaisie)  / Journal de Bord

 

Dimanche 4 mai 2008

Nous avons progressé toute la journée vers le Nord, mais à la différence des autres jours, la densité des pêcheurs a nettement diminué, ce qui facilite le travail des équipes passerelle.

La météorologie était aujourd’hui fort agréable et propice au repos de l’équipage, mais également à l’organisation du traditionnel barbecue organisé cette fois-ci par les fusiliers et le service courant. Il a permis d’agréger l’équipage maintenant étendu. Parmi les nouveaux arrivés, quelques officiers anglais renforcent l’état- major à dominante humanitaire. Nous disposons en effet d’une cellule complète spécialisée dans les opérations civilo-militaires, c’est à dire capables d’apprécier le rôle possible des militaires dans la société civile et l’impact de ladite société sur les opérations militaires. A ses côtés, quelques marins pompiers de Marseille apportent leur expertise des catastrophes en tous genres. Que cela soit lors des accidents de la route, dans les zones ravagées par des incendies ou par des tempêtes violentes, ils sont là et apportent un savoir-faire reconnu. Ils sont complétés par un élément de régiment médical de l’armée de terre et par quelques logisticiens. Pour les mécaniciens du bord en revanche, ce dimanche aura comporté un travail soutenu pour dépanner l’ascenseur et changer la pompe à injection d’un diesel alternateur que le chef veut « pousser » avant une visite importante. Enfin, le thème sportif du jour était encore le badminton, histoire pour le commandant en second de profiter du départ de l’adjudant Trobrillant pour se refaire…Mais d’autres étoiles ont profité de l’entraînement et il a du se satisfaire d’une quatrième place. La palme aux EV Simeoni et de Villepin. Maigre consolation, ce sont tout de même des marins qui ont gagné…

Source Gilles Humeau

 

Lundi 5 mai 2008

Le groupe amphibie a franchi aujourd’hui le « canal des 10 degrés nord » qui permet d’accéder au Golfe du Bengale.

Il se situe entre les îles Andaman au Nord et les îles Nicobar au Sud. Pour saluer l’arrivée des bâtiments, la houle du Sud s’est levée et nous berce de ses mouvements encore doux. Nous nous avançons doucement sous la queue du cyclone Nargis dont les effets désastreux sont reportés dans les journaux. J’espère que la mer restera maniable. L’activité du jour comprenait une remise en jambes des chaînes fonctionnelles, histoire de ne pas perdre les bons réflexes. Ainsi du SECUREX majeur qui s’est déroulé ce matin. A l’origine, un feu de rien du tout, peu alarmant. Très vite, une extension du sinistre a contraint le directeur de lutte à demander un tel renfort qu’il a fallu rappeler au poste de sécurité. Rassurez-vous, avec l’énergie de tout l’équipage, les générateurs de fumées ont eu du fil à retordre et tout est rentré dans l’ordre ! Les mouvements d’hélicoptère ont également permis aux aéronautes de se remettre en jambes, mais pour une courte durée seulement puisque nous déplorons ce soir des pannes sur deux d’entre eux. Vous savez peut-être en effet qu’« un avion qui vole ne tombe pas en panne »… Il fallait donc nous y attendre après presque 4 journées sans vol en escale ! En milieu de journée, notre COMOPS, le capitaine de frégate Majoufre a appris la naissance de sa deuxième fille, Aurore, que nous saluons dans la famille. Tous nos vœux de prompt rétablissement accompagnent sa Maman. Ce soir, les informations collectées sur Internet évoquant le bilan provisoire du cyclone Nargis se sont répandues comme une traînée de poudre, tant au sein de l’état major, que sur le Mistral et le Dupleix. Considérant que nous allons effectuer un exercice d’assistance humanitaire avec les Indiens, nous tombons comme du pain béni pour intervenir au profit des sinistrés. Les questions posées au centre parisien des opérations interarmées n’ont pourtant pas soulevé un enthousiasme particulier et, après quatre heures de route au Nord « au cas où », la force a repris sa route vers Madras.

Source Gilles Humeau

 

Mardi 6 mai 2008

Notre progression se poursuit dans le golfe du Bengale, dos à la Birmanie qui monopolise toute l’attention de l’équipage.

Chacun se pose la question de la décence qu’il y aurait à mener un exercice humanitaire à deux jours de mer d’un pays ou les gens meurent par milliers. Alors pour nous tenir prêts au cas où, les différents services et chaînes fonctionnelles du bâtiment, mais aussi de l’état major embarqué, font le point sur le matériel, les capacités présentes à bord, ce qui pourrait être rapidement remis en état ou simplement sur les stocks d’eau, de médicaments. Les passerelles font le bilan des cartes présentes, les timoniers calculent les hauteurs d’eau ou scrutent les comptes-rendus des rares escales connues à Rangoon. Les plus audacieux échafaudent des plans, mais rien ne bouge ! Les informations glanées sur Internet ce soir ont enfin permis de comprendre que ce pays fermé ne souhaite pas d’aide, tout comme lors du Tsunami. Il nous reste donc à peaufiner notre capacité à nous reconfigurer, et pourquoi pas en coopération avec les Indiens en lieu et place de l’exercice Varuna ? Alors, même sans cœur à l’ouvrage, nous avons poursuivi notre entraînement et les mécaniciens étaient à l’honneur pour une fois dans un exercice de conduite de la machine en grand secours. Pendant ce temps, l’inspection de tranche des logements du pont quatre a permis de souligner que chacun des marins s’attache à améliorer son cadre de vie. Malgré l’absence de bureaux dédiés dans les chambrées, nombreux sont ceux qui ont confectionné des étagères pour des ordinateurs portables, un petit coin pour ne pas oublier la famille, les amis ou simplement les dernières vacances. Les bricolages sont également au rendez-vous pour faciliter le rangement, installer un poste de télévision ou une bouilloire. Tout n’est pas toujours fait dans les normes, au grand damne des responsables de la sécurité, mais il ne faut pas se voiler la face. Même les BPC doivent évoluer avec leurs équipages ! Nous étudierons ces besoins avec attention.

Source Gilles Humeau

 

Mercredi 7 mai 2008

Personne à bord n’ignore désormais la situation birmane et l’aggravation exponentielle du bilan humain de cette catastrophe.

Pour tout vous dire, l’énergie disponible pour préparer Varuna, notre exercice à venir avec les Indiens, chute notablement. Pour exemple, le gros de l’état-major embarqué s’occupe du Myanmar tandis que la cellule Varuna a vu son activité diminuer. Pour les excuser, le thème tactique est le même et les modes d’action sont similaires… De même, l’incompréhension de l’équipage est palpable devant ce qui apparaît comme une absence de décision. Et pour ne rien arranger, Internet était indisponible aujourd’hui. Nous étions donc sourds lorsque l’actualité internationale se tournait vers le golfe du Bengale, chez nous... Pour finir la traversée en beauté, notre dernier changement d’heure de la traversée, de trente minutes seulement, nous a fait rallier le temps indien. En revanche, la mer était trop mauvaise pour effectuer l’exercice de mécanisation amphibie que les équipages des chalands réclament très justement. Ce soir, le briefing d’escale ressemblait un peu à une veillée d’armes, tant le programme des deux jours à venir est chargé. Ce n’est pas bien grave, nous reviendrons la semaine prochaine

Source Gilles Humeau

 

Jeudi 8 mai 2008

Changement de décor ce matin à l’arrivée dans le port de Madras, aujourd’hui officiellement appelée Chennaï.

Il s’agit du plus grand port de la région du Tamil Nadu. Les infrastructures séparent en fait de nombreux bassins communiquant par des passes intérieures peu larges. Changement de ton également dans l’information internationale récupérée avec le rétablissement de la connexion Internet sur les ordinateurs. Nous comprenons mieux à présent la position française en butte à l’interdiction birmane d’accepter des étrangers sur son sol, quand bien même ils apportent leur aide aux birmans sinistrés. Quoi qu’il en soit, dès ce matin, la déclaration de monsieur Kouchner hier soir nous a confirmés dans la nécessité de préparer une reconfiguration de Varuna. Et cet après-midi, la décision de retirer le Mistral de l’exercice est arrivée. Heureusement qu’il restera le Dupleix ! Pendant ce temps, l’escale commençait sur des chapeaux de roues. Visite officielle, visite retour à bord, déjeuner officiel et préparation des stands industriels pour le traditionnel « Soutex ». La partie la plus difficile fut sans doute d’annoncer aux Indiens, très chaleureux, que nous nous retirions de l’exercice, peu avant la réception donnée par eux en notre honneur. A bord, dès cet après-midi, les cartes du Myanmar sont sorties, l’organisation de l’état major a été modifiée pour tenir compte de l’absence des Indiens aux postes prévus et les premières réunions de planification ont commencé. La mission est tombée ce soir. Elle est placée sous la direction du ministère des affaires étrangères et de la Direction pour l’Action Humanitaire (DAH), dont la présidente est déjà connue du Mistral pour avoir travaillé à bord pendant l’opération Baliste en 2006. Nous devrons acheminer de l’aide humanitaire, principalement du riz, vers la Birmanie. Nous n’en savons pas beaucoup plus, les questions partiront demain matin pour arriver sur les bureaux parisiens avant le début de la journée (vive le décalage horaire dans ce sens là !). Il nous faut nous décider assez vite pour quantifier ce que le BPC est capable d’acheminer. Nos références libanaises s’établissent à un peu plus de 500 palettes, mais nous sommes moins nombreux. Il faudra faire bien davantage, mais on touche ici à la perception subjective des marins affectés qui ne peuvent fonder leur « chiffre » sur une analyse mathématique inattaquable. Alors, 1000, 2000 ? Ce sera 1500 palettes, avec une petite marge au cas ou. Prompts à anticiper la demande, les limiers du Mistral ont commencé à répertorier les matériels de première nécessité à acheter pour répondre aux exigences de la mission et passé commande de sangles, filets et autres sacs à gravats. Quelque soit la tâche à accomplir, cela servira.

Source Gilles Humeau

 

Vendredi 9 mai 2008

Au réveil, les bruits courraient déjà que le ministre avait annoncé l’envoi de bâtiments militaires vers la Birmanie.

Alors que les industriels préparaient leurs stands, que la conférence de planification finale de l’exercice Varuna se déroulait, une partie du bord préparait le coquetèle de ce soir et les bureaux des « grands barons » bruissaient de mille questions, coups de fil et autres réunions de spécialistes. Tout partait dans tous les sens pour tenter de lancer la mécanique militaire au service d’un nouveau métier. Surtout ne rien oublier, anticiper des évolutions possibles de la mission, faire préciser les termes du mandat, toujours et encore se tenir prêts. Ainsi, à peine 24 heures après le déclenchement de l’opération, il était établi que nous transporterions des « kits » familiaux composés de riz, d’une gamelle pour le préparer, de bidons, de tentes et de moustiquaires, sans oublier les comprimés de purification de l’eau. Restait encore à lancer l’approvisionnement sur place… C’est le nouveau métier de Madame Ayet, consul général de France à Pondichéry, qui devra courir la ville, départager les fournisseurs plus ou moins crédibles, dénicher l’introuvable, choisir les casseroles, commander des dizaines de milliers de toiles de bâche, j’en passe… Dans le même temps, les visites du bord n’ont pas arrêté pour autant. Je vous prie de croire que l’énergie dépensée aujourd’hui a bien fatigué l’équipage. Les permissionnaires sont rares ce soir, et le coquetel n’est pas le seul responsable.

Source Gilles Humeau

 

Samedi 10 mai 2008

L’appareillage prévu initialement ce matin pour l’exercice Varuna avait été décalé d’une journée pour permettre la reconfiguration liée à notre retrait.

Nous avons donc passé la journée à affiner notre action, à prospecter dans la ville pour identifier des matériels en liaison avec l’équipe du consulat et celle de l’attaché de défense. Déjà dans l’après-midi, les premières livraisons arrivaient. Nous avons ainsi chargé près de 90 palettes d’eau en bouteilles, des gants de manutention, des rouleaux de bâche plastique, et deux « transpalettes » supplémentaires pour nous aider à ranger le fret. Et comme il n’était pas possible de rester à quai dans ce port civil soumis aux règles commerciales, nous avons du appareiller à la tombée de la nuit en laissant le premier maître Bataille et le maître Samper sur le quai. Ils sont chargés d’apporter leur expertise technique à l’équipe consulaire pour faciliter la collecte du fret humanitaire. Ils seront rejoints ce soir par un détachement de la sécurité civile arrivé de Paris. Nous voici donc en mer, un peu comme prévu, mais l’objectif est maintenant de reposer l’équipage pour avoir des corps et des esprits frais lorsqu’il nous faudra charger le bâtiment. L’état major planifie et les services du bord ont redoublé d’efforts pour peaufiner leurs matériels en vue de la mission. Nous patrouillons à petite vitesse devant Chennaï, parés à faire route vers le port dès que les conditions seront réunies.

Source Gilles Humeau

 

Dimanche 11 mai 2008

Pour renouer avec l’habitude prise lors de ce déploiement Gavial 08, le service du dimanche était en vigueur aujourd’hui.

En revanche, comme je sais que vous connaissez nos petits travers, aucun sport particulier n’était à l’honneur. Peut-être le commandant en second avait-il décidé de ne plus tenter sa chance au badminton…
Mais je crois plutôt que la perspective de l’opération qui se profile monopolise davantage les esprits qu’il n’y paraît. A terre en effet, il ne faisait sans doute pas bon être dimanche, tant la course contre la montre engagée exigeait de présence et d’engagement personnel. Les nombreux coups de téléphone échangés avec nos espions à la solde du consulat nous ont tenu en haleine. Tour à tour, nous les avons suivis à la découverte d’un gisement de gamelles et à la recherche d’une grue de chantier introuvable ou d’un chariot élévateur de petite dimension pour manipuler les palettes à l’intérieur d’un CTM. Ce fut ensuite la traque des marchands de riz capables de fournir 400 tonnes en moins de 48 heures, le parcours du combattant administratif pour obtenir l’autorisation du gouvernement indien d’exporter une telle quantité de riz alors que le marché est déficitaire. Ce sera sans nul doute le chemin critique de notre préparation.
Mais rassurez-vous, pendant ce temps l’état-major embarqué a pris son régime de croisière. Point de dimanche pour eux ! La journée est ponctuée par des briefings et rendez-vous qui accaparent également bon nombre d’officiers et d’officiers mariniers du Mistral. L’équipe se soude.
Et les autres me direz-vous ? Ils travaillaient aussi d’arrache pied, je vous l’assure, car « un marin qui se repose est un marin qui travaille »… à pouvoir donner le meilleur de lui-même dans les jours prochains !

Source Gilles Humeau

 

Mardi 13 mai 2008

J’ai également découvert hier soir que les places à quai se distribuaient en priorité aux bâtiments qui attendent depuis le plus longtemps au mouillage.

C’et pourquoi j’ai décidé de jeter l’ancre à proximité immédiate du port ce matin. Notre présentation, en « direction SENIN », c’est à dire comme si nous n’y voyions rien à l’extérieur, avait de quoi impressionner tant la densité de navires et d’embarcations était importante. Je ne sais pas si nous aurions tenté l’aventure dans des conditions réelles de mauvaise visibilité… Mais à la faveur du beau temps, le spectacle des pêcheurs se précipitant dans le sillage pour trouver du poisson était féerique. De partout ils accouraient, dans toutes sortes d’embarcations, au moteur ou avec un morceau de planche en guise de pagaïe.
Le reste de la journée a été cadencé par des annonces incohérentes fixant notre première heure possible à quai, entre le milieu d’après-midi et le lendemain. Pendant ce temps, l’équipage avait reçu l’ordre de se reposer en vue d’un travail nocturne harassant. Finalement, le rappel au poste de manœuvre a sonné à la fin du dîner et nous avons accosté sans encombres vers 21 heures 30.
Peu après un rapide point de situation par le commandant en second sur le quai, la première demi-bordée composée de marins, de terriens, de matelots, d’officiers supérieurs, de médecins, de commandos ou de membres de l’état-major a commencé les opérations de conditionnement du fret. Le chargement ne pourra être entrepris que demain matin (convention passée avec les dockers locaux oblige).
Ce soir, seulement 100 tonnes de riz étaient présentes dans l’entrepôt mis à notre disposition. Une équipe d’Indiens avaient commencé la mise en palettes, mais rien n’avait été entrepris pour le reste du fret. Les militaires, encadrés par des spécialistes de la sécurité civile, ont donc confectionné des palettes de toiles de tente, rempli des sacs à gravats de sacs de riz, pour que le rythme de chargement de demain ne faiblisse pas. La relève aura lieu à deux heures du matin et la suivante à six heures.
J’ai annoncé un appareillage demain avant la nuit, qui, même s’il paraît irréaliste, a le mérite de fixer un objectif motivant… Pourvu que les 300 tonnes de riz attendues soient au rendez-vous !

Source Gilles Humeau

 

Mercredi 14 mai 2008

Cette journée restera vraisemblablement dans toutes les mémoires à bord du Mistral comme le symbole de l’engagement et de l’esprit d’équipage.

Elle peut également être analysée à l’aune des résultats obtenus : Plus de 1500 colis, palettes, sacs à gravats ont été chargés à bord en quinze heures. De mémoire de marin, il n’est pas sûr que ce soit déjà arrivé…
Et pourtant, cette journée mémorable a commencé cahin-caha. Après une nuit de labeur à conditionner les colis, la manutention, du ressort des dockers indiens, devait commencer à 06h30 ce matin ; elle a débuté avec une demi-heure de retard.
A 08h30 elle fut déjà interrompue par la visite en grandes pompes du secrétaire général du gouvernement pour la navigation. Cet homme avenant a rang de ministre. Il a été reçu par l’amiral après l’accueil tonitruant d’un détachement de soldats indiens en grand uniforme, coiffés d’un couvre-chef aussi coloré que sa forme est curieuse. Une équipe de coolies de la ville avait auparavant balayé le quai, balisé une allée avec des cercles de craie blanche, déroulé un triangle de tapis rouges bordés par des plantes vertes en pots, déployé une estrade et des cordelières. Nous l’avons conduit à bord pour inaugurer le chargement, avant de l’emmener au carré amiral pour un verre de jus d’orange et la signature du livre d’or du Mistral.
Heureusement, la suite a permis de rattraper du retard malgré des règles de travail indiennes que nous n’avions pas très bien comprises. En effet, la journée est régulièrement interrompue par une demi-heure de « Tea break » et la pause méridienne est sacrée. Malheureusement, à chaque reprise, le tempo monte très progressivement et nombreux sont ceux qui ne reviennent pas.
Comme le pouvoir était vacant et que personne ne s’y est opposé, nous avons fini par prendre la main et assurer simultanément le conditionnement des marchandises comme le chargement du Mistral. Les équipes se sont succédées selon le rythme établi par le commandant adjoint équipage et le capitaine d’armes, mais à y bien regarder, certains « doublaient », d’autres non prévus se présentaient, comme presque tous les membres de l’état major à commencer par leur COS (chef d’état-major), le commandant adjoint opération, l’aumônier et j’en passe. En fin de journée, les demi-bordées étaient devenues obsolètes et je vous assure que jamais la main d’œuvre n’a manqué. Belle démonstration de l’esprit d’équipage !
Au sein des équipes, je peux vous assurer que la cadence était soutenue, surtout en regard des conditions climatiques extrêmes qui régnaient sur le quai.
J’ai profité de la présence de l’attaché naval sur place pour aller dans l’après-midi au chevet de madame Causalya Devi, notre consule honoraire à Chennaï, éreintée par la préparation de nos escales dans la ville et hospitalisée depuis deux jours. A mon retour, les camions de riz continuaient d’arriver, sans qu’il soit simple de savoir ce qui devait encore être livré.
A ce moment, les discussions étaient animées sur le quai puisque trois journalistes de France 24 venaient de découvrir qu’ils n’avaient pas de visa de sortie d’Inde. L’habileté et les bonnes relatons du consulat n’ont rien pu pour les écervelés qui sont repartis avec leurs bagages. C’est la fin de l’aventure pour eux.
Finalement, 500 tonnes de riz se sont présentées à l’entrée du port, mais nous n’avions pas l’autorisation d’en exporter autant.
En cours d’après-midi, une petite rupture de charge due à l’attente d’un lot de 100 tonnes de riz à la douane a détruit nos espoirs de terminer tôt.
D’un commun accord avec le commandant en second, nous avons déplacé notre objectif d’appareillage à Minuit pour que le chiffre soit rond. A vrai dire, nous n’y croyions pas beaucoup. Et pourtant, dans les yeux des marins et des soldats, creusés par la fatigue physique et l’absence de sommeil, le regard brillait à l’idée de donner encore le coup de collier qui permettrait d’appareiller le 14 au lieu du 15.
Jusqu’au bout, nous avons déchargé des camions, confectionné des sacs, virevolté avec les élévateurs, optimisé la cadence des grues, mais rien n’y a fait. Le dernier sac est monté à minuit dix, alors que l’équipage était déjà au poste de manœuvre. A minuit et quart tout était paré pour l’appareillage, il ne manquait que le pilote et les lamaneurs sur le quai…
Sur le quai, nous avons laissé quelques membres d’équipage qui rentreront en France cette nuit. Parmi eux, l’enseigne de vaisseau de Villepin, mais aussi quelques réservistes qui tiendront compagnie aux six membres de la sécurité civile qui auraient pourtant bien eu leur place à bord… Mais le ministère de l’intérieur en a décidé autrement ! Enfin, l’attaché naval et son adjoint devaient être contents de nous voir disparaître… Enfin du repos !
J’ai donc perdu mon pari puisque le Mistral s’est élancé à minuit et demie, mais je garde un souvenir édifié des hommes et des femmes qui ont tout donné d’eux-mêmes aujourd’hui.
A la passerelle, dès après le poste de manœuvre, alors que le bord dormait déjà, Stéphane Fort, le journaliste bien connu des auditeurs de France Info et France Inter, commençait son travail…

Source Gilles Humeau

 

Jeudi 15 mai 2008

Compte tenu de l’activité d’hier, le branlebas n’a sonné qu’à neuf heures ce matin, sauf naturellement pour l’état-major dont le rythme de travail reste invariable en toutes circonstances.

Au menu de la journée, l’arrimage gros temps de tout ce qui a été embarqué faisait office de plat de résistance, juste après le poste de propreté général. Le Mistral était en effet dégoûtant hier soir, notamment à cause de la terre noire que les chaussures ont piétiné toute la journée sur le quai et qui colle partout.
Depuis, nous filons à 17 nœuds, soit 30 km/h vers la Birmanie, et si le temps se maintient, nous pourrons arriver dès samedi. Vous savez peut-être par les journaux qu’une grosse dépression tropicale balaye encore le delta de l’Irrawaddy. Nous avions peur qu’elle n’évolue en cyclone, mais il semble que cette crainte soit écartée. Cela dit, la mer est forte et la stabilisation joue son rôle. Les esprits se tournent à présent vers l’Est pour imaginer et préparer la « livraison » de notre cargaison.
Ce soir, l’ensemble des maîtres d’hôtel a souhaité son anniversaire en bonne et due forme au quartier maître Lievequin.

Source Gilles Humeau

 

Vendredi 16 mai 2008

Sur la carte étalée à la passerelle, nous avions bien progressé ce matin puisque le Mistral se trouvait au beau milieu du golfe du Bengale.

Le ciel toujours clément tranchait avec la mer agitée qu’amplifiait une bonne houle de sud. La priorité de la journée était naturellement d’avancer sans dévier de notre route, mais aussi de donner à tous la dernière occasion d’entraînement avant les opérations de déchargement. Ainsi, les hélicoptères ont-il eu le privilège de voler après cinq jours de régime sec. Ce rythme n’est guère satisfaisant pour des équipages qui ont besoin de pratiquer régulièrement leur art difficile. Idéalement ils devraient effectuer entre trois et cinq vols par semaine… Mais l’urgence prime et les vols à proximité des côtes étrangères sont rarement bien vus par les Etats riverains. Nous avons à cette occasion profité de la symétrie du BPC et pu mener notre activité malgré le vent arrière qui soufflait fort.
Les modes opératoires de l’opération se discutaient au sein de l’état-major, mais aussi parmi les spécialistes du bord pour les aspects techniques et de sécurité. La symbiose s’établit peu à peu à la faveur du travail commun à entreprendre. Ainsi, dans la zone PC, la question du nombre de rotations de CTM nécessaire pour débarquer le fret se heurtait à l’estimation du chargement possible à chaque rotation. 25 palettes pour les uns, 50 pour d’autres, sur une ou deux couches,…
Le mieux était d’essayer. Une demi-heure plus tard, je pariais avec le Bosco sur la capacité du CTM à ranger 3 ou 4 palettes de front. Tous les arguments ont été avancés sur la taille des palettes, la facilité de les ranger, le coup d’œil du spécialiste, … Rassurez-vous, grâce à l’arbitrage impartial du maître Samper, du lieutenant de vaisseau Mellaza et du commandant en second, le pacha est resté le pacha ! Il faut vous avouer que « l’avantage Baliste » a joué !. En revanche, tout le monde y trouve son compte car cet essai grandeur nature a permis de découvrir que chaque chaland pouvait transporter cinq gros sacs de 800kg au dessus des quatre palettes ! Ainsi, les puristes apprécieront qu’un chargement puisse transporter plus de 50 tonnes de riz en palettes au lieu de 25 dans l’hypothèse pessimiste.
Dans l’après-midi enfin, alors que l’arrivée au Sud de la Birmanie se précisait pour la nuit, l’annonce de l’interdiction d’entrer dans les eaux territoriales a fermé la perspective d’un déchargement rapide. L’attente vraisemblable des jours prochains permettra aux diplomates de démêler l’écheveau. Quoi qu’il en soit, rien ne se fera avant demain matin et nous avons réduit l’allure pour économiser du carburant. On ne sait jamais, il pourra servir un jour !

Source Gilles Humeau

 

Samedi 17 mai 2008

Nous y voilà ! Depuis quatre heures du matin, le Mistral est à pied d’œuvre et si la météorologie n’est pas fameuse puisque nous subissons la mousson, le trait de côte se dessine sur les écrans radar et la couleur jaunâtre de l’eau de mer trahit la proximité du delta de l’Irrawaddy, la zone la plus meurtrie par le cyclone Nargis que nous longeons à environ 25 kilomètres au large.

Nous avons attendu toute la journée comme prévu, que la diplomatie fasse son œuvre pour nous ouvrir la route de la côte basse faite de mangroves, à moins d’une heure de mer… Après la course contre la montre de ces derniers jours, nous avons nettement réduit l’allure pour économiser le potentiel de nos diesels.
Afin de tromper notre attente, après un exercice de lutte contre les voies d’eau, la passerelle a conduit une manœuvre de récupération d’homme à la mer et confirmé l’aptitude du chef du quart à contrôler la situation en cas d’avarie de barre.
Sur zone, j’ai été frappé par le peu de navires croisés. Malgré les fonds peu importants, aucun pêcheur à l’horizon, la navigation est simple ; quel changement par rapport aux nuées d’embarcations rencontrées dans le sud de la mer des Andamans !
Enfin, cette journée mémorable l’était encore davantage pour le capitaine de corvette Tillier dont c’était l’anniversaire.

Source Gilles Humeau

 

Dimanche 18 mai 2008

Cette fois-ci, notre journée du dimanche à la mer a revêtu un caractère un peu inhabituel.

Un travail de planification fine a touché à peu près toutes les chaînes fonctionnelles dans la perspective d’un déchargement de fret qui doit pouvoir intervenir sans préavis.
Ainsi, les briefings se sont multipliés pour affiner nos plans d’action.
Cette réflexion bien nécessaire s’inscrivait curieusement dans un contexte diplomatique un peu gelé par la fête de la lune que célèbre la Birmanie... Comment justifier pareil immobilisme lorsque des milliers de sans-abri meurent de faim ? Il est néanmoins fort peu probable que quoi que ce soit bouge d’ici mardi matin.
En revanche, le sport a repris ses droits avec un tournoi de volley dans le radier. Ce soir enfin, le barbecue traditionnel était organisé par la septième compagnie. C’était une première pour les nouveaux arrivés à bord parmi lesquels un représentant du ministère des affaires étrangères qui a déjà travaillé en Birmanie et monsieur Stéphane Fort dont les auditeurs de France Inter et France Info connaissent bien la voix.
L’ambiance était plus sérieuse qu’à l’accoutumée, peut-être parce que chacun mesurait le drame humain qui se noue à moins de deux heures de mer de chez nous.
Après la frénésie du départ en mission, nous voici dans une logique d’attente. Il faut se préparer à durer, aménager le programme d’activité pour économiser les forces mais maintenir les esprits et le matériel prêts à agir sitôt l’ordre reçu.
Nous patrouillons toujours à proximité des côtes birmanes et suivons depuis cet après-midi sur nos écrans le groupe amphibie américain qui se trouve plus au Sud, non loin de la frégate anglaise « Westminster » avec laquelle nous aurions du participer à l’exercice Varuna.

Source Gilles Humeau

 

Lundi 19 mai 2008

En relisant ce que j’écris depuis deux jours, je me rends compte que vous pouvez nous croire installés depuis deux semaines.

Les noms de la côte nous sont devenus familiers, les points de repère aussi, à tel point que nous avons choisi pour aujourd’hui de faire une excursion vers le Sud, pour nous rapprocher du groupe amphibie américain de l’USS Essex, un grand frère une fois et demi plus lourd que nous, mais surtout cinq fois plus peuplé ! J’ai ainsi accompagné l’amiral, le chef d’état major et le capitaine de corvette Tillier sur ce géant des mers ; une référence dans le domaine des opérations amphibies ! L’accueil fut très chaleureux, comme souvent avec les américains. Nous avons évoqué les différents aspects de notre mission et les règles de coordination à mettre en place pour ne pas nous gêner ici. Pour une opération humanitaire, ce serait bien le comble. Il était bien clair pour tous que notre objectif commun est d’apporter au plus vite de l’aide humanitaire à des pauvres malheureux qui aspirent à recevoir pour survivre, ce que nous espérons avoir le droit de leur donner. En revanche, il n’est pas question dans l’immédiat de travailler ensemble compte tenu de la complexité de la situation diplomatique.
Et puis ce soir, après les derniers briefings, j’étais convié chez l’amiral pour fêter l’anniversaire de monsieur Stéphane Fort, notre otage journaliste qui se faufile dans le bord avec une aisance remarquable. Je peux vous garantir que sa sagacité radiophonique se double d’un sens de l’humour décapant, mais toujours drôle !

Source Gilles Humeau

 

Mardi 20 mai 2008

Après notre incursion dans le Sud hier, l’objectif de navigation pour aujourd’hui était de patrouiller plus au nord-est, devant l’estuaire de la rivière de Rangoon.

La zone se caractérise par des fonds d’environ dix mètres, très plats et balayés par des courants très importants de l’ordre de trois à cinq nœuds. En approchant, nous avons tout d’abord remarqué que la couleur de l’eau changeait vite pour devenir plus « café au lait » que bleue. Plus loin, la consistance même de la mer etait plus « crémeuse » ; elle n’incitait vraiment pas à la baignade !
Mais surtout, de loin en loin, puis de plus en plus souvent à mesure que le BPC remontait vers la côte, des débris de toutes sortes flottaient sur l’eau. Les veilleurs, initialement très tendus à la vue d’une forêt de troncs d’arbres supposés, ont vite appris à reconnaître des tuyaux souples ou des perches de bois qui servent d’ossatures aux maisons d’habitation. Les mécaniciens ont vite compris qu’il n’était pas opportun de produire de l’eau, même si nous étions à plus de cinquante kilomètres des côtes…
Nous avons ainsi découvert ce qui pourrait devenir notre environnement quotidien lorsque nous déchargerons notre fret humanitaire, bien loin des images d’Epinal montrant des plages immaculées et des eaux turquoise transparentes.
Néanmoins, la motivation de tous est intacte et l’état-major prépare minutieusement des modes d’action très variés pour être paré à ordonner la version la plus adéquate à l’heure H. De nombreux membres d’équipage du Mistral participent à ce bruissement, étudient, quantifient, préparent des briefings, échafaudent, valident des options, en repoussent d’autres.
Vous le comprenez sans doute, l’opération est bien lancée, il reste à la conclure, dès que…

Source Gilles Humeau

 

Mercredi 21 mai 2008

Mercredi sombre comme on ne les aime pas !

Ce matin, lors d’une visite d’entretien les manœuvriers ont découvert une grosse fissure dans la couronne d’entraînement du barbotin d’un guindeau. Pour les incultes, cela revient à dire que notre ancre Tribord est inutilisable en l’état. Mécaniciens, électriciens et boscos se sont concertés, ont étudié, tourné et retourné le problème et les solutions possibles. Il reste naturellement l’ancre Bâbord, mais elle risque d’endommager l’antenne du loch qui permet de mesurer notre vitesse sur l’eau. Finalement, la solution s’est imposée d’elle-même ce soir avec l’avarie du capteur de vitesse… Mais cela fait un problème supplémentaire à régler pour le groupement navire en charge de la conservation du patrimoine. Par surcroît, dans l’après-midi, l’ascenseur est tombé en panne, sans doute pour inciter le commandant et le second à faire du sport…
Il ne manquait plus que la visite du commissaire annonçant l’épuisement du stock de vivres frais compte tenu de l’impossibilité de ravitailler dans de bonnes conditions à Chennaï. Nos derniers légumes dataient donc de Port Klang voici deux semaines.
Que voulez-vous, il y a des jours comme cela !
Heureusement, pour rehausser la journée, l’aspirant Maud Monteau a été lâchée de quart à la passerelle. C’est une jolie performance pour cette élève de l’école de commerce de Rouen qui a choisi de faire un stage d’un an dans la marine nationale. Chef du quart sur un bâtiment de combat en opérations…
Un peu plus tard, nous avons reçu un chaland de débarquement américain venu s’entraîner aux opérations de chargement en porte à porte. Nous avons été agréablement surpris par la manoeuvrabilité de ces engins plus gros que les nôtres.
Au sein de l’état-major et du commandement, la réflexion a commencé pour imaginer l’activité du Mistral à l’issue de l’opération en cours. Pour l’heure, il ne s’agit que d’identifier des dates limites au delà desquelles le programme établi ne peut être tenu. C’est ainsi que notre escale d’Abu Dhabi a été annulée aux dates prévues. La prochaine échéance intervient le 30 mai pour notre exercice avec le Yemen. Mais pour l’instant, les esprits sont concentrés sur les ouvertures diplomatiques que chacun espère dans les jours prochains.

Source Gilles Humeau

 

Jeudi 22 mai 2008

L’actualité de la journée, à bord comme en Birmanie a été dominée par la visite au Myanmar de monsieur Ban Ki Moon, le secrétaire général des Nations Unies.

L’ouverture annoncée ce soir aux organisations humanitaires, quelques soient leurs nationalités, a revigoré l’espoir de l’équipage. On pouvait lire sur les visages l’enthousiasme de ceux qui vont enfin être plongés dans l’action. Seul bémol peut-être, la presse est réservée sur cette avancée majeure. Espérons qu’elle aura été pessimiste. Notre rôle serait alors pleinement valorisé puisque nous sommes les seuls à pouvoir acheminer directement et rapidement notre aide aux populations éprouvées. Pour le Mistral en revanche, les nouvelles du matériel n’étaient pas très encourageantes. La solution technique de réparation de notre guindeau piétine et la panne du loch Bâbord est confirmée. Nous avons remplacé l’antenne en poussant la vieille avec la nouvelle. Des plongeurs mis à l’eau ont récupéré le colis qui ne servira malheureusement plus. Et pour finir sur les lamentations techniques d’un bâtiment sans souci jusque là, l’ascenseur présente des signes de faiblesse inquiétants… Les habitants du pont 2 y sont très sensibles, surtout ceux qui travaillent en passerelle au pont 10 ! Parmi les nouvelles, nous avons également souhaité un bon voyage au COMOPS, le capitaine de frégate Majoufre et aux second maîtres Catieau et Joron qui partent suivre les présélections du cours de plongeur démineur. Ils transitent actuellement sur l’USS « Mustin », un destroyer américain ultra-moderne qui accompagne l’USS « Essex ». Ce bâtiment les déposera après-demain à Phuket ou un avion les attend. Enfin, la bonne nouvelle de l’attribution de la prime ISSE est arrivée ce matin, ce qui induit un certain nombre d’avantages liés aux opérations extérieures. Inutile de vous dire que la nouvelle a rapidement parcouru le bâtiment…

Source Gilles Humeau

 

Vendredi 23 mai 2008

Vous savez ce qu’est un « bruit de coursive », naturellement, mais ils pullulent ces jours-ci.

L’incertitude liée à la mission est un facteur favorable, et le risque de décevoir augmente. Figurez-vous par exemple que nous serons en escale à Port Blair aux îles Andamans, dès mardi matin… Et voilà untel qui annonce qu’il ira à l’hôtel pour se reposer, que le commissaire s’inquiète de la demande de devises qui arrivera en retard, qu’un autre quidam demande à rentrer en France pour je ne sais quelle raison… Bien sûr, comme pour tous ces bruits, il faut une source… Le commandant ! C’est donc indiscutable ! Alors, comme vous n’êtes pas nés de la dernière pluie, vous avez le droit de savoir que la veille au soir, j’avais rapporté l’étude par l’état-major d’une possibilité de ravitailler en vivres frais assez rapidement au cours d’un passage au voisinage de Port Blair, afin de nous laisser davantage de marge de manœuvre lorsque nous rentrerons dans les bouches de l’Irrawaddy. Il fallait donc se tenir prêts à réagir dès que la décision serait prise… Et voilà ! Le bruit était parti... Mais en l’occurrence, le délai nécessaire de 6 jours pour faire une commande en Inde avait déjà tué le projet dans l’œuf. Sur l’eau, la journée était davantage dominée par un ensemble d’exercices techniques franco-américains. Ainsi avons nous échangé des hélicoptères, ce qui nous a permis d’accueillir des machines encore inconnues sur notre pont. Au déjeuner, une trentaine de marins américains est venue peupler nos carrés, et je peux vous confier que la difficulté à les rassembler pour le départ traduisait assez bien l’impression générale de camaraderie franche entre les deux marines. Dans l’après-midi, nous avons eu le privilège de voir évoluer à notre porte de radier un aéroglisseur « LCAC » particulièrement impressionnant. Entouré d’un nuage de vapeur d’eau qui trempait tout alentour, il a fait de la patrouille serrée à moins de dix mètres de notre radier… Ce soir enfin, le Mistral évolue tout près des eaux territoriales birmanes, à proximité des plates-formes gazières mises en œuvre par Total. Le temps est magnifique à la faveur d’un petit vent de nord-ouest qui a dégagé les gros grains de la mousson.

Source Gilles Humeau

 

Samedi 24 mai 2008

La situation politique en Birmanie ne change guère dans l’attente de la réunion des pays donateurs de demain.

Pour le Mistral pourtant, l’activité continue pour préparer notre déchargement et toutes les hypothèses techniques continuent d’être évoquées. Parmi les solutions, le recours aux hélicoptères lourds américains présents sur zone possède de nombreux avantages puisqu’ils sont capables d’acheminer notre fret au plus près des populations dans le besoin dans le cas ou nos chalands ne pourraient pas accéder en raison de l’encombrement des cours d’eau. Nos camarades de l’USS Essex ont proposé leurs services et c’est dans cet esprit que nous avions programmé des échanges d’hélicoptères aujourd’hui. Le rendez-vous programmé dans l’après-midi permettait de consacrer la matinée à une plongée en eaux libres, d’autant que la mer était à peine ridée. Les heureux gagnants de la baignade m’ont en revanche rapporté que l’eau n’était pas si claire qu’elle paraissait vu d’en haut, mais l’exercice technique programmé n’en a pas souffert. Nous avons ensuite couru après le groupe américain parti très au Sud pour échapper à une ligne de grains bien visibles sur les radars. Finalement, l’interaction prévue s’est limitée à l’envoi sur l’Essex de l’Alouette et d’une Gazelle pour acheminer deux patients trop heureux de bénéficier d’un rendez-vous de dentiste ! Dans la soirée, les discussions avec les parisiens traduisaient le doute qui s’installe sur la possibilité de décharger directement en Birmanie. Les avancées obtenues de monsieur Ban Ki Moon ne sont pas encore traduites dans les faits par une plus grande liberté accordée aux organisations humanitaires. Dans ce contexte, nous étudions les différents ports de déchargement possibles pour qu’enfin notre riz puisse partir vers la Birmanie. C’est bien là l’objectif, ne l’oublions pas ! Alors les bruits de coursive résonnent à nouveau des noms de Phuket, Kuala Lumpur, Singapour et même Bangkok… Rien n’est simple, je vous l’assure

Source Gilles Humeau

 

Dimanche 25 mai 2008

Pour un dimanche, l’activité d’état major fut dense, je vous l’assure !

Naturellement, la matinée bien calme pour cause de décalage horaire a permis à tout l’équipage de profiter d’un repos dominical nécessaire. De vous à moi, le calme nocturne hors de commun démonte que les corps sont fatigués par l’accumulation de jours de mer et d’escales qui n’en sont pas vraiment. Au déjeuner, l’amiral recevait des officiers anglais venus en délégation à l’occasion de la relève du HMS Westminster par le HMS Edinburgh. Ils sont arrivés en Lynx sous une pluie battante. L’appontage de l’hélicoptère était féerique car le rotor générait un cylindre d’eau très visible qui disparaissait dans un brouillard au voisinage du pont. J’espère que des photos auront été prises ! Le trajet retour en « Merlin » nous a permis d’accueillir ce nouvel hélicoptère encore inconnu sur un BPC. Belle machine vraiment, foi d’aéronaute ! Cet après-midi, nous avons du battre des records de consommation téléphoniques pour préparer la suite de la mission. Pas une heure sans que des échanges d’états-majors ne parlent d’aller à Phuket, de privilégier Bangkok ou … Dans la soirée, nous avons proposé au USS Mustin de récupérer nos deux techniciens de l’ALAT dans la nuit plutôt que demain, afin de faire route vers le Sud dans l’attente des résultats de la réunion parisienne qui statuait sur notre sort. Tard dans la nuit, le couperet est tombé. Ce sera Phuket malgré les informations en notre possession rapportant que le port est occupé. Reste la pression diplomatique pour déplacer les montagnes !

Source Gilles Humeau

 

Lundi 26 mai 2008

Hier soir, sitôt embarqué, le capitaine de l’armée de terre débarqué du Mustin a fêté son arrivée à bord contre une porte étanche (et il n’en existe pas beaucoup…) ; trois points de suture qui ont mis le médecin en verve !

Nous transitions aujourd’hui à bonne allure vers le Sud, ne sachant toujours pas si le port de Phuket pourra ou non nous accueillir. Cela n’avait guère d’importance puisque toutes les options sont encore accessibles d’ici demain matin ou nous serons devant l’île thaïlandaise. Le problème principal consistait à imaginer comment rebondir sur le communiqué de presse paru hier soir à Paris, un peu trop précis à notre avis et qui risque de nous conduire à une impasse si d’aventure le port de Phuket est encombré. Mais dans cette histoire, malgré la puissance de planification de notre état-major, nous sommes vraiment peu de chose. Alors, pour anticiper sur le programme à venir, nous avons fait voler nos hélicoptères et validé le dépannage express des mécaniciens de l’ALAT. Toutes les machines sont « vertes » ce soir !

Source Gilles Humeau

 

Mardi 27 mai 2008

L’ordre de nous rendre à Phuket a été confirmé hier soir.

Nous devions accoster aujourd’hui, ou au plus tard demain. En fait, comme un paquebot occupe la place, nous avons attendu au large l’autorisation d’entrée dans les eaux territoriales thaïlandaises. Sitôt obtenue, l’idée de reconnaître le port a germé. Nous nous sommes donc présentés au plus près pour envoyer à terre une équipe resserrée chargée de repérer les lieux, de prendre contact avec les autorités portuaires et avec le schipchanler désigné pour recevoir notre cargaison. L’expédition a duré tout l’après-midi et nous nous sommes éloignés dans la soirée pour décrasser les moteurs. Pendant cette mission, la visite à bord de l’ambassadeur de France en Thaïlande s’est montée pour le soir même. Nous l’avons donc récupéré à l’aéroport avant le dîner avec une Gazelle. L’homme est très jeune et avenant. Il nous a expliqué quelques dessous des cartes et rassurés sur la pertinence des avis formulés dont beaucoup étaient en adéquation avec les siens propres. Au sein de l’état-major, la réflexion sur l’avenir de notre programme de déploiement a bien avancé. Nous devrions pouvoir faire quelques jours d’escale dans l’île malaisienne de Langkawi avant de traverser l’océan Indien vers le Yemen ou notre exercice prévu le 10 juin est simplement décalé au 14. Reste à obtenir les autorisations nécessaires auprès de Kuala Lumpur… Avec 48 heures de préavis, l’attaché de défense devra faire des prodiges ! Ce soir nous sommes en mer en attendant de nous présenter à Phuket demain matin au lever du soleil. Le quai nous est réservé pour au moins 24 heures et peut-être davantage si nous en avons besoin et le négocions. L’équipage se repose. La journée de demain s’annonce rude.

Source Gilles Humeau

 

Mercredi 28 mai 2008

Comme prévu, la journée a commencé avant l’aube, au grand damne des infortunés de quart entre minuit et quatre heures.

A six heures, nous entrions dans le port de Phuket, minuscule comparé à la taille du Mistral. La manœuvre était délicate en l’absence de remorqueurs puisque nous devions nous retourner dans un bassin d’évitage d’environ 350 mètres utilisables. L’objectif était de commencer le déchargement à sept heures pour travailler autant que possible avant les heures chaudes. Ce qui fut dit fut fait et, profitant de ce que les boscos étaient en train de se changer, c’est à votre serviteur et au commandant en second qu’échut de sortir le premier ballot de gamelles sur le quai… à 07h00 précises ! Les colis et palettes ont ensuite été évacués avec un rythme d’enfer. Dès huit heures, une grue routière débarquait les sacs et palettes entreposées dans le hangar hélicoptères par la plateforme arrière. Simultanément, la grue du bord vidait le riz entreposé dans le hangar véhicule tandis que l’Equipage avec un grand « E » débarrassait les colis moins lourds comme une colonne de fourmis. On comptait des marins, des terriens, des officiers et des matelots, des femmes mûres et des adolescents attardés, dans une cohue organisée ou les quolibets et autres blagues fusaient. L’ambassadeur et son attaché de défense, amusés par l’entrain ont même demandé une tenue de protection de base et participé à la chaîne… Du jamais vu, mais quelle leçon ! A 08H30, alors que le soleil faisait son entrée sur le quai déjà bien chaud, il ne restait plus que du riz et des palettes de toiles de tentes dans les hangars, impossibles à décharger à la main. Les fourmis sont donc rentrées au frais et une seule demi bordée aidait à la manœuvre des chariots élévateurs et autres transpalettes, pour optimiser l’approvisionnement des deux grues, tandis que notre « Manitout » faisait des allers et venues entre le hangar et le quai pour accélérer le mouvement. Au point de situation à midi, il apparaissait possible de terminer dans la journée et de tenter l’escale de Langkawi pour demain… Regain d’énergie ! A ma question concernant l’heure de fin de travail, le commandant en second m’annonça qu’il pensait finir la manutention vers 18 heures. La nuit tombant à 19h03, il était encore possible de quitter le port au coucher du soleil. Je convins avec lui de nous fixer un objectif à 17 heures, pour un appareillage à 18 heures. Cela nous donnait une heure de marge, mais exigeait en revanche de tenir la cadence et d’optimiser tout ce qui pouvait l’être… A 16 heures, je confirmais l’objectif et tout le monde riait en considérant qu’il ne restait qu’une petite vingtaine de colis… C’était sans compter sur le retard du schipchandler qui n’avait sans doute pas la même pression. Qu’à cela ne tienne, je lui ai annoncé qu’il avait jusqu’à 17 heures pour que son dernier camion parvienne au quai ! Vos marins ont encore fourni le dernier coup de collier pour vider en un temps record le dernier camion dans une chaîne humaine digne des temps anciens… Un seul camion manquait à l’appel, mais comme il n’était pas possible de le contacter, le poste de manœuvre a sonné et le Mistral s’est éloigné du quai un peu avant 17h45… Pari gagné ! Nous voici en route vers la Malaisie que nous espérons pouvoir rejoindre demain ; la diplomatie est à l’œuvre !

Source Gilles Humeau

 

Escale à Langkawi (Malaisie)

Mardi 3 juin 2008

Il faisait encore nuit au poste de manœuvre ce matin.

Nous avons quitté le quai des paquebots sans aide extérieure pour laisser la place à un magnifique bâtiment tout blanc croisé à la sortie des eaux resserrées. La manœuvre était simple et le pilote est resté sur le quai. Le but de la matinée visait à faire voler nos hélicoptères au dessus de la terre avant d’aborder la haute mer. La météorologie capricieuse nous a contraints à les rappeler un peu avant leur « charlie » (heure d’appontage) pour les ramasser dans de bonnes conditions, avant de courser le pétrolier américain « Walter S. Diehl » sur lequel nous avons ravitaillé en milieu de journée. Chacun a pu admirer la rapidité du transfert de carburant (1100 m3 en une heure et demie !), mais également le professionnalisme de nos camarades mi-militaires, mi-civils. A l’issue, le Mistral a renoué avec les changements d’heure pour commencer à regagner les six heures de décalage avec la France. Nous sommes désormais en heure « golf » pour deux jours. Depuis, nous filons vers l’ouest, afin de retrouver le rail des navires de commerce que nous suivrons jusqu’au sud de l’Inde. Par chance, la météorologie au large est très favorable et nous filons à 16 nœuds sur deux diesels seulement, grâce à un courant portant bienvenu. Ce soir, la reprise des vols de nuit pour les Gazelle s’est effectuée par une nuit très noire, mais les pilotes progressent bien et la manœuvre s’est déroulée en sécurité.

Source Gilles Humeau

Mercredi 4 juin 2008

Vous savez peut-être que tous les matins, le rituel du branlebas, qui sonne habituellement à 07h30, comprend une sonnerie au clairon, règlementaire, et la diffusion du « branlebas, branlebas », sêche et peu amène, surtout pour ceux qui ont quitté le quart à 04h00 !

Peu après, l’équipe de quart diffuse un court morceau de musique, choisi selon l’humeur du moment. Elle présente ensuite la situation du Mistral, la météorologie à laquelle tous sont attentifs, le programme de la journée et le carnet mondain des anniversaires et autres événements familiaux. Ce matin, la présentation était colorée de noms qui font rêver. On y parlait des Andamans, des îles Nicobar, du golfe du Bengale, mais aussi d’humour avec le vrai faux anniversaire du capitaine de corvette Brochard… Dans les équipes de quart, les têtes ont un peu changé pour donner du grain à moudre aux infortunés de l’état-major embarqué qui transitent avec nous, faute de crédits pour leur acheter un billet d’avion depuis Langkawi. Ainsi avons-nous proposé de faire faire du quart en passerelle à un officier et deux officiers mariniers et d’inclure le maitre principal Trimaud dans l’équipe des logisticiens. Sous la houlette du lieutenant colonel Mansard, quelques autres nous assistent dans la préparation de l’exercice à venir au Yemen. Les commandos, quant à eux, ont repris l’entraînement et effectué cet après-midi un parcours de franchissement à la fois physique et aérien… Les derniers soldats du premier régiment médical participeront à la vie de l’infirmerie et nous seront bien utiles pour enrichir nos exercices sécurité. Celui d’aujourd’hui a permis de pousser l’organisation de prise en charge des blessés. Nous avons été à deux doigts de rappeler au poste de sécurité pour un incendie fictif dans une zone de détente particulièrement difficile à protéger. L’esprit et la corpulence de l’Equipage ont donc bien changé, mais l’ambiance reste agréable. Je parie que le chemin du retour n’y est pas étranger…

Source Gilles Humeau

Jeudi 5 juin 2008

Au cours de l’opération Orcaella, c’est le nom d’un dauphin de l’Irrawaddy qui a symbolisé notre action ces derniers temps, l’entretien du bâtiment a été mis en sommeil.

La situation ne s’est pas améliorée pendant l’escale et il fallait organiser ce que nous appelons une « journée organique » pour permettre à tous d’entreprendre les travaux indispensables à bord. L’entretien était donc au cœur du programme d’aujourd’hui avec l’inspection de tranche des locaux aux ponts 9 et 10, là ou se trouve la passerelle, mais aussi quelques locaux techniques dont le diesel alternateur de secours qui remplit un rôle crucial en cas de défaillance électrique. Cet après-midi, tout l’équipage devait également signer sa notation en deuxième ressort avant l’expédition des bulletins dont nous espérons nous acquitter à Djibouti. Pendant ce temps, grâce à l’énergie du capitaine de corvette Brochard, nous avons mis à profit sa connaissance de la lutte contre les avaries de combat pour faire de l’instruction. Le reste du personnel a également vaqué à diverses tâches plus ou moins laissées pour compte depuis deux semaines. Parmi les sujets d’inquiétude, la dépression tropicale « 99A » qui se forme en ce moment dans la mer d’Arabie préoccupe notre météorologiste car elle est susceptible de dégénérer en cyclone. Elle se déplace bien vers le nord, mais nous devrions rencontrer une mer formée et des vents forts d’ici quelques jours. Par ailleurs, comme nous progressons toujours vers l’Ouest, nous avons encore changé d’heure. Quatre heures nous séparent encore. Mais surtout, en fin de journée, nous avons appris la nouvelle de l’arrivée à Rangoon du cargo « Claudia » transportant notre fret humanitaire en Birmanie. Cette fois, la mission est accomplie ! L’Equipage sera content de l’apprendre par la feuille de service de demain.

Source Gilles Humeau

Vendredi 6 juin 2008

Il ne vous aura pas échappé que nous fêtions aujourd’hui le soixante-quatrième anniversaire du Jour J ; une sorte de fête des amphibiens.

En guise de commémoration, nous avons conduit un exercice de lutte contre les avaries de combat et ainsi mis en pratique les conseils prodigués hier. A l’issue, comme nous approchions de l’île de Ceylan, la brigade de protection a été réactivée dans le cadre des mesures normales de protection défense du bâtiment. Nous les maintiendrons jusqu’à notre entrée en mer d’Arabie après-demain. Cet après-midi enfin, peu avant de quitter l’autoroute maritime la plus fréquentée de la région, nos trois hélicoptères étaient en vol. Le Mistral tourne comme une horloge et le moral est excellent à bord.

Source Gilles Humeau

Samedi 7 juin 2008

Depuis hier soir nous avons entamé notre remontée vers le tropique du cancer.

La journée s’est déroulée le long des côtes indiennes vers le « eight degree channel » qui ouvre la voie de la mer d’Arabie entre les îles Maldives au Sud et les Lacdives au Nord. L’activité opérationnelle se tournait résolument vers la lutte contre les menaces asymétriques que nous sommes susceptibles de rencontrer dans le golfe d’Aden. C’est pourquoi les hélicoptères ont effectué des exercices de mécanisation aux mesures actives de sûreté aérienne, communément appelées MASA. Les tireurs d’élite des commandos embarqués ont ainsi pu tirer sur des cibles et perfectionner leur sang froid pour ne pas ouvrir le feu (fictivement) sur une Alouette au comportement incertain. Les artilleurs de la flottille amphibie ont quant à eux rivalisé de précision avec ceux du bord pour détruire les ballons cibles simulant des vedettes assaillantes. Au cœur du bâtiment, les travaux organiques se sont poursuivis par le début de communication de leur notation annuelle aux officiers, mais également par des cours d’anglais pour les volontaires. Ce soir, nous avons quitté l’autoroute par la première bretelle vers l’Ouest et le prochain point tournant est maintenant bien loin, à plus de quatre jours de mer, au nord de l’île de Socotra. Par ailleurs, nous avons rejoint la zone d’opération « Enduring freedom » qui signifie également le bénéfice d’un complément de solde appréciable. Une houle de Sud-Ouest nous accompagne désormais et le BPC recommence à « vivre »…

Source Gilles Humeau

 

Dimanche 8 juin 2008

Pour égayer notre dimanche à la mer, le commandant en second avait programmé un dernier tournoi de badminton, le quatrième du déploiement.

Grâce à son entraînement régulier et son acharnement méritoire, il s’est logiquement imposé en compagnie de son équipier fidèle, le premier maître Philippe Pouget. Pour fêter l’événement, le président des officiers subalternes lui a remis un « prix de persévérance » ! Au delà de l’anecdote, la performance mérite d’être soulignée car la météorologie n’était pas favorable. La mer et le vent contraire ont forci et le BPC bouge désormais d’un mouvement encore lent. Par ailleurs, notre jour de repos coïncidait avec la reprise du travail à Djibouti et au Yémen. Nos contacts ont donc repris leurs coups de téléphone et autres demandes de renseignements naturellement urgentes, pour affiner la préparation de l’exercice à venir.

Source Gilles Humeau

 

Lundi 9 juin 2008

Un bruit d’annulation de notre retour à Toulon se répand comme une traînée de poudre depuis hier. « L’information » proviendrait d’un site internet non officiel, d’une radio, ou plus simplement de renseignements incomplets véhiculées à terre par des « gens autorisés »…

Une petite fuite d’huile sur un joint de pale du propulseur d’étrave est à l’origine de ce bruit. Nous la suivons attentivement depuis plus de six mois sans qu’elle remette en cause la capacité opérationnelle du bâtiment. Son évolution, très lente, attend le prochain passage au bassin pour que la réparation soit possible. L’une des études récentes considérait de la faire à Dubaï. Je peux vous dire aujourd’hui qu’elle n’aboutira pas, comme beaucoup d’autres solutions imaginées. Pour autant, la rumeur a enflé et le mal résultant est énorme, pour nos familles, mais également à bord ou le moral est fragile après quatre mois de mer. Notre traversée de la mer d’Arabie s’est poursuivie aujourd’hui. Elle a été marquée par la dégradation de la météorologie qui nous a conduits à annuler l’activité aéronautique. En revanche, notre exercice sécurité au poste de veille a permis d’entraîner les équipes du bord. Les brancardiers du premier régiment médical ont été spécialement impliqués dans la gestion des nombreux blessés fictifs. Leur rôle dépasse souvent l’acte technique car il facilite le diagnostic médical d’urgence, fondamental dans les opérations. Cet après-midi, les bras disponibles ont également été mis à contribution pour ranger quelques tonnes d’eau chargées à Chennaï. Ces bouteilles auraient pu servir pour l’opération Orcaella, mais nous permettront surtout de ne pas en acheter d’autres avant au moins un an. Au central opérations, un exercice de simulation d’attaques aériennes a mis les nerfs des opérateurs à rude épreuve. Il s’agit de s’entraîner à maîtriser l’engagement de nos armes pour limiter au maximum le niveau de la violence, sans pour autant perdre l’avantage. Enfin, depuis ce matin, nos écrans radar sont presque vides. Nous retrouverons les routes maritimes habituelles dans un ou deux jours, au milieu de la mer d’Arabie.

Source Gilles Humeau

 

Mardi 10 juin 2008

Le point marquant de cette journée est intimement resté lié à la météorologie qui interdit toute activité extérieure.

Ainsi, les vols ont-ils de nouveau été annulés et la circulation des personnes est limitée à l’intérieur du bâtiment. Le Mistral vibre et bouge, signe que la mécanique souffre. Le vent et la mer sont si forts que notre vitesse de progression stagne et que nous prenons un peu de retard sur le plan de route établi. A l’intérieur pourtant, le travail continue. Les commandos marine et les soldats du régiment médical s’entraînaient aujourd’hui aux perfusions. Après avoir servi de cobaye pour les premiers, le médecin a pu contrôler que chacun piquait correctement… Plus sur l’avant du BPC, deux « boutiques » continuent de fonctionner sans relâche malgré les mouvements éprouvants du bâtiment. Dès le matin, nos buandières sont en effet à l’ouvrage malgré les mouvements d’ascenseur que la houle impose à la coque. La longueur du Mistral est telle que son avant oscille sur une amplitude voisine d’une dizaine de mètres, soit trois étages descendus et remontés toutes les dix ou quinze secondes ! Ajoutez-y les coups de boutoir des vagues les plus importantes et vous comprendrez que l’ambiance n’est pas à la fête. Après le dîner, alors que la buanderie est fermée, un homme curieux, notre hibou, sort de son nid. Il s’agit du boulanger qui se met à l’ouvrage, seul dans sa tanière sur l’avant de la cuisine. Vrai professionnel et véritable coqueluche de l’équipage, il concourre à maintenir au plus haut le moral des troupes. C’est agréable d’avoir du bon pain frais chaque jour, surtout lorsqu’il est varié ! Je peux même vous dire que pour les déjeuners officiels, il nous comble de ses talents en fabriquant tour à tour des pains-souris, des boules de hérissons ou plus simplement de ces petits pains aux graines qui ravissent nos hôtes. Toute la nuit, il pétrit, façonne, laisse reposer et cuit sa manne dorée. Il ne manque pas d’en apporter une partie aux lèvent tôt du « quatre à huit » et rejoint sa chambre à l’heure ou tout le monde se lève pour prendre quelques heures de repos

Source Gilles Humeau

 

Mercredi 11 juin 2008

Dans le mauvais temps, les jours se suivent et se ressemblent, même si, comme devant un feu, on peut passer des heures à contempler les vagues qui déferlent, à guetter le train de houle plus marqué que les autres qui se brise sur l’étrave et crée une gerbe d’écume par dessus le pont d’envol.

Toutes les activités extérieures ont encore une fois été annulées et nous avons consacré notre énergie à l’entretien du bâtiment. Heureusement, notre grenouille confirme une amélioration pour demain, dès que nous aurons doublé l’île de Socotra. Pourtant, toute la journée le vent s’est renforcé, peut-être en raison de l’effet Venturi généré par la côte somalienne.
Dans la journée, notre ravitaillement à la mer avec l’USNS Pecos a été confirmé pour vendredi. Nous serons alors aux pleins complets en gasoil, ce qui nous permettra sans encombres de rallier Toulon avec une grande autonomie.
Cette perspective se rapproche et réjouit les membres d’Equipage. Les discussions se poursuivent à bord pour élaborer un programme au mois de juillet qui allie la remise en état du bâtiment, mais aussi la préparation des permissions du mois d’août. L’équation se complique par l’arrivée de nombreux novices sur BPC qu’il faudra former, mais aussi par le départ de quelques « anciens » parmi les derniers à avoir connu l’armement. Il s’agit donc de peaufiner les suites. Je ferai partie du lot des rats qui quittent le navire puisque la date de prise de commandement du futur pacha vient d’être fixée au 24 juillet, juste avant le départ en permissions.

Source Gilles Humeau

 

Jeudi 12 juin 2008

Le Mistral a enfin changé de route en fin de nuit dernière !

Nous avons appuyé à l’ouest pour rentrer dans le golfe d’Aden après avoir longé l’île yéménite de Socotra, puis doublé la corne de l’Afrique. Le vent et la mer, toujours très violents ce matin ont vite cédé la place à une météorologie plus clémente qui a permis de remettre les hélicoptères en vol. De même, ce soir les sportifs on réinvesti le pont d’envol pour courir au grand air, malgré une température plus étouffante.
En corollaire, la vitesse de progression du Mistral, moins freiné par les éléments, a bien augmenté et nous a même permis d’économiser la machine.
Enfin, comme pour gommer les trois derniers jours éprouvants, quelques jets d’eau ont fait leur apparition sur l’extérieur pour laver les cloisons blanchies par une couche de sel très corrosive.
Nous pénétrons également dans une zone ou les pirates se livrent à leur sale besogne. Les mesures de protection du bâtiment ont donc été réactivées pour nous permettre de réagir promptement en cas d’agression.

Source Gilles Humeau

 

Vendredi 13 juin 2008

Vendredi 13 ! Jour de chance pour les superstitieux, jour d’inquiétude pour les anxieux, pour nous jour heureux ! Trois événements ont marqué cette journée de très beau temps au cœur du golfe d’Aden.

Ce matin tout d’abord, nous avons rencontré comme prévu l’USNS Pecos, un pétrolier américain semblable au Walter S. Deahl que nous avons rejoint après Langkawi. Le ravitaillement s’est fort bien passé à la faveur d’une météorologie bien calme. La matinée réservée n’a pas été nécessaire puisqu’à dix heures tout était fini. Le reste de la journée a ainsi été mis à profit pour économiser la machine, mais également pour entraîner commandos et chefs de quart. Les premiers ont pu tirer sur des cibles remorquées ou faire du tir instinctif sur la gerbe d’un premier à ouvrir le feu. Les seconds ont enfin manœuvré le BPC autour d’un croisillon et ainsi jaugé les belles qualités manœuvrières du Mistral, mais également son inertie très importante … Satisfaction toujours pour le « lâcher » de quart en passerelle de l’enseigne de vaisseau sous-marinier Leguyader qui nous a rejoint à Port Kelang au sein de l’état major et repartira de Djibouti. De même, le maître Petit a gagné le privilège de faire le quart en chef. Affectée à l’état major de conduite des forces, elle restera avec nous jusqu’à Toulon. Par ailleurs, les vols de nuit de ce soir ont mis en selle un nouveau pilote de l’armée de terre après la qualification acquise hier soir par le lieutenant Lombard. Bravo ! Enfin, sachez que nous avons encore changé de fuseau pour rallier progressivement l’heure française, et que les petites boites bleues de comprimés anti-paludéens ont enfin disparu des tables et carrés. Le délai de 28 jours depuis notre arrivée à Chennaï est révolu. Ces médicaments incontournables pour éviter le paludisme, sont affublés de tous les maux passagers, des diarrhées aux nausées, voire aux vertiges, mais il semble surtout qu’ils cristallisent sur eux la fatigue psychologique des membres d’équipage. Plus d’excuses à présent !

Source Gilles Humeau

 

Samedi 14 juin 2008

Très tôt ce matin, le Mistral est entré dans les eaux territoriales pour conduire un exercice avec la marine et les gardes-côtes yéménites.

Notre zone d’entraînement se situait devant le port de Balhaf ou une société affiliée à Total construit un grand port méthanier. Plus de neuf mille personnes travaillent sur ce site dont le Yémen attend de gros revenus à partir de l’an prochain. Au programme, l’escorte du Mistral par les vedettes des gardes-côtes nous a permis d’apprécier leur combativité et l’efficacité de leurs interventions. Deux attaques successives menées par nos embarcations ont été déjouées. Pendant ce temps, les chalands ont pu reconnaître une plage et embarquer vers le BPC deux sections de fusiliers marins basés dans la région. L’effort de nos hôtes pour présenter des troupes impeccables montre tout l’intérêt porté à notre rencontre. Une centaine d’invités a ainsi visité le bâtiment, assisté à des présentations amphibies, mais également découvert le savoir faire des troupes embarquées. Le repas pris a bord a permis des échanges plus amicaux avant que tout le monde se sépare en début d’après-midi. Nous espérons bien que d’autres exercices plus ambitieux pourront suivre cette première coopération amphibie. Enfin, j’ai relu avec attention et une certaine reconnaissance les commentaires chaleureux que vous ne manquez pas d’inscrire sur ce Blog. Merci aux habitués dont certains nous sont devenus familiers. A ce sujet, figurez-vous que je discutais ce soir avec le capitaine B. du premier régiment médicalisé qui me racontait les billets postés par les siens sur un site Internet. Comme le doute était permis, il m’a précisé que c’était celui ou écrit « Humeau ». « C’est moi, dis-je ! »… Bouffées de chaleur pour celui qui n’avait pas fait le rapprochement… Mais rires garantis pour tous deux !

Source Gilles Humeau

 

Escale à Djibouti / 15 au 17 juin 2008

 

19 juin 2008

En transit vers Toulon

Après une mission de longue durée qui l’aura conduit jusqu’au Japon, le Mistral est en route pour son port base de Toulon. Le 17 juin dernier, le Mistral a traversé le détroit de Bab el Mandeb, escorté par la frégate type La Fayette Surcouf .

Source Web - Marine Nationale

 

Mercredi 18 juin 2008

Grâce au vent qui a faibli, nous avons continué notre route sans encombres vers le golfe de Suez.

Le tiraillement lancinant des bilans et comptes-rendus de fin d’année nous a bien occupés. Néanmoins, l’activité aéronautique fut bien appréciée par les « Rapace » (c’est l’indicatif des Gazelle du 5ème RHC). Ainsi ont-ils effectué un vol de reconnaissance maritime sur l’avant du Mistral puis enchaîné sur des passes d’attaque contre le bâtiment. Le rappel au poste de combat pour riposter aux attaques en cours a donné lieu à de belles manœuvres de contre, et favorisé l’engagement de tous pour lutter contre des impacts simulés de missiles. Cet après-midi, davantage tournée vers l’entretien du bâtiment, a fourni au capitaine de corvette de Cacqueray l’occasion de fignoler sa technique de synthèse de dossier, en vue du concours du collège interarmées de défense qu’il passera à bord la semaine prochaine. Mais surtout, la préparation de « l’après mission » occupe de plus en plus les esprits. Des travaux à prévoir aux permissions qui se profilent, les marins d’un jour ou de métier ont l’esprit tourné vers la terre qui n’a jamais paru si proche. Il faut à tous beaucoup d’efforts pour ne pas tomber dans l’apathie, ce que les habitués des déploiements lointains connaissent bien. Bien souvent, l’énergie et le moral des membres d’équipage baisse brièvement après deux semaines puis après un mois d’absence. Vient ensuite une période longue de relative indifférence sur la durée de la mission. En revanche, le dernier mois est toujours difficile et plus l’échéance du retour approche, plus il faut d’énergie pour lutter contre la lassitude et le repli sur soi. C’est la raison pour laquelle les exercices s’enchaînent y compris à une semaine du retour pour continuer de rentabiliser le déploiement et « occuper » les esprits.

Source Gilles Humeau

 

Jeudi 19 juin 2008

L’intérêt de naviguer sur un bâtiment jeune réside surtout dans la part d’expérimentations qui nous incombe.

Ainsi, le corpus documentaire des BPC est-il toujours en discussions, expérimentations et refontes. C’était un peu le thème de la journée, et spécialement dans deux domaines précis. La mise en œuvre des hélicoptères a occupé la première partie de la journée et donne lieu à une étude de standardisation des procédures entre ce que nous faisons, ce que pratique l’US Navy plus habituée que nous à mettre en œuvre de nombreux hélicoptères, et l’expérience acquise en France à bord des portes-avions. Le fond du problème vient de ce que notre tradition hélicoptériste n’a jamais véritablement fait fonctionner des bâtiments aux possibilités aussi étendues que celles des Mistral et Tonnerre. Or, la possibilité existe et selon un viel adage, « qui peut le plus peut le moins » ! Parallèlement, notre exercice sécurité matinal expérimentait la lutte contre un sinistre industriel au poste de mise en garde. Dans cette posture, la moitié de l’équipage est en alerte pour mettre en œuvre sans délais toutes les capacités d’action. C’est vrai des manœuvriers, des artilleurs, des aéronautes, mais également de la chaîne sécurité. Ainsi, une bordée de pompiers doit-elle être prête à intervenir sur un sinistre. La question du jour consistait à tester la plus-value d’une stratégie qui consiste à diviser les forces en deux lieux différents à bord. Pour tout vous dire, le résultat n’a pas été à la hauteur de nos espérances et demandera à être ciselé pour élucider ce qui tient à la nouveauté mise en place ou à la pertinence de la doctrine établie pour un bâtiment comme le nôtre. Les discussions allaient bon train entre spécialistes… Dans le radier, loin de ces préoccupations assez intellectuelles pour le moment, les petites mains étaient à l’œuvre pour préparer l’inspection de tranche de demain. Avec la chaleur et l’humidité, le travail était pénible. Vivement le retour en Méditerranée !

Source Gilles Humeau

 

Vendredi 20 juin 2008

Le Mistral poursuit son petit bonhomme de chemin dans la mer Rouge.

Nous avons à présent dépassé Djeddah et affinons notre vitesse de progression pour franchir le détroit de Jubal demain à l’aurore. Ce matin, comme d’habitude, nos deux Gazelle ont effectué leur vol de reconnaissance sur l’avant du PIM, tandis que l’Alouette profitait du créneau ouvert pour aguerrir l’enseigne de vaisseau Fromental avant qu’il ne rejoigne la flottille 35F.
La passerelle et le central opérations ont égayé le réseau de commandement du bord avec divers incidents de parcours. Outre les informations concernant les bâtiments militaires croisés, nous avons également rencontré des navires de commerce français se prêtant au « contrôle naval volontaire ». Il s’agit d’un contrat passé avec quelques compagnies françaises pour établir un lien entre les navires militaires et civils français qui se côtoient sur les mers du globe. Généralement, ces rencontres se traduisent par un échange d’informations nautiques sans lendemain. Une fois pourtant, en 2006, un des porte-conteneurs géants de la compagnie CMA-CGM, basée à Marseille, avait eu recours aux services du médecin du bord, lors de notre croisement à deux heures du matin en mer Rouge, pour diagnostiquer un malade dont on ne savait pas s’il fallait l’évacuer ou non. Nous étions naturellement prêts à l’accueillir, mais ce ne fut pas nécessaire. Un exemple de la fraternité des gens de mer !
Mais l’objectif principal de la journée était surtout organique. Si les « cols blancs » ont eu à cœur de produire une version aboutie du rapport de mission, les plus jeunes ont mis toute leur énergie pour l’entretien du bâtiment. Ainsi, la matinée a permis au commandant et à l’officier de détail d’inspecter le radier et les locaux intérieurs attenants. La zone est délicate car les mouvements y sont fréquents et les causes de dégradations nombreuses. Les véhicules y circulent, les CTM y demeurent, mais surtout, l’air extérieur y pénètre sans barrière, avec sa charge de chaleur et d’humidité saline. Un vrai cauchemar à maintenir en état…
Pendant ce temps et jusqu’à la nuit, le reste de l’équipage a rincé les extérieurs. En effet, depuis les trois jours de gros temps rencontrés en mer d’Arabie, la coque et les superstructures s’étaient couvertes d’une croûte de sel bientôt jaunie par le Khamsin djiboutien. Vu d’hélicoptère, en éclairage rasant, le Mistral paraissait ainsi plus jaune que gris !
Ce soir, tous les endroits accessibles ont retrouvé un aspect plus naturel, mais il faudra sans doute recommencer dès note arrivée à Toulon.
Pour terminer la journée, un exercice de lutte contre des hélicoptères assaillants aux intentions peu claires (…) a occupé le début de la nuit, juste après un entraînement à la récupération d’homme à la mer. Quand je vous dis que les journées sont denses…

Source Gilles Humeau

 

Samedi 21 juin 2008

Le Mistral poursuit son petit bonhomme de chemin dans la mer Rouge.

Nous avons à présent dépassé Djeddah et affinons notre vitesse de progression pour franchir le détroit de Jubal demain à l’aurore. Ce matin, comme d’habitude, nos deux Gazelle ont effectué leur vol de reconnaissance sur l’avant du PIM, tandis que l’Alouette profitait du créneau ouvert pour aguerrir l’enseigne de vaisseau Fromental avant qu’il ne rejoigne la flottille 35F.
La passerelle et le central opérations ont égayé le réseau de commandement du bord avec divers incidents de parcours. Outre les informations concernant les bâtiments militaires croisés, nous avons également rencontré des navires de commerce français se prêtant au « contrôle naval volontaire ». Il s’agit d’un contrat passé avec quelques compagnies françaises pour établir un lien entre les navires militaires et civils français qui se côtoient sur les mers du globe. Généralement, ces rencontres se traduisent par un échange d’informations nautiques sans lendemain. Une fois pourtant, en 2006, un des porte-conteneurs géants de la compagnie CMA-CGM, basée à Marseille, avait eu recours aux services du médecin du bord, lors de notre croisement à deux heures du matin en mer Rouge, pour diagnostiquer un malade dont on ne savait pas s’il fallait l’évacuer ou non. Nous étions naturellement prêts à l’accueillir, mais ce ne fut pas nécessaire. Un exemple de la fraternité des gens de mer !
Mais l’objectif principal de la journée était surtout organique. Si les « cols blancs » ont eu à cœur de produire une version aboutie du rapport de mission, les plus jeunes ont mis toute leur énergie pour l’entretien du bâtiment. Ainsi, la matinée a permis au commandant et à l’officier de détail d’inspecter le radier et les locaux intérieurs attenants. La zone est délicate car les mouvements y sont fréquents et les causes de dégradations nombreuses. Les véhicules y circulent, les CTM y demeurent, mais surtout, l’air extérieur y pénètre sans barrière, avec sa charge de chaleur et d’humidité saline. Un vrai cauchemar à maintenir en état…
Pendant ce temps et jusqu’à la nuit, le reste de l’équipage a rincé les extérieurs. En effet, depuis les trois jours de gros temps rencontrés en mer d’Arabie, la coque et les superstructures s’étaient couvertes d’une croûte de sel bientôt jaunie par le Khamsin djiboutien. Vu d’hélicoptère, en éclairage rasant, le Mistral paraissait ainsi plus jaune que gris !
Ce soir, tous les endroits accessibles ont retrouvé un aspect plus naturel, mais il faudra sans doute recommencer dès note arrivée à Toulon.
Pour terminer la journée, un exercice de lutte contre des hélicoptères assaillants aux intentions peu claires (…) a occupé le début de la nuit, juste après un entraînement à la récupération d’homme à la mer. Quand je vous dis que les journées sont denses…

Source Gilles Humeau

 

Dimanche 22 juin 2008

Le téléphone a sonné à 3h30 ce matin pour annoncer l’embarquement du pilote de Suez cinq minutes plus tôt.

Nous avions parié sur un appareillage vers cinq heures, mais la société du canal est décidément imprévisible…
Alors en catimini pour économiser le personnel non indispensable, le Mistral s’est glissé entre les zones de mouillage pour prendre la première place du convoi. Nous avons embouqué le canal peu avant six heures, au moment du lever du soleil. Comme de coutume, les privilégiés ont contemplé l’éclairage délicieusement violacé qui faisait ressortir la mosquée donnant sur le port.
Au même instant, une demi-douzaine de fous s’échauffait en tenue de sport sur le pont d’envol pour tenter de relever le défi sportif consistant à parcourir autant de kilomètres en relais que le bâtiment dans le canal. 162 km à parcourir en 10 heures ! Sous la houlette du maître Guillet, les participants s’étaient inscrits pour une heure d’effort, commandant en tête pour ouvrir le bal.
Toute la journée, les relais se sont enchaînés, les tactiques ont varié pour gagner le Mistral de vitesse. Finalement, la plus performante consistait à enchaîner les sprints d’un seul tour. Pendant ces 400 mètres, chacun se donnait à fond pour refaire une partie du retard accumulé pendant les premières heures.
A mi parcours, quelques petits kilomètres de retard agissaient encore comme des aiguillons pour stimuler l’ardeur des coureurs harassés par un soleil de plomb. Les volontaires, appelés nombreux à la rescousse ont répondu aux encouragements du chef du quart et ce sont plus de 90 membres d’équipage qui ont ainsi parcouru 161 kilomètres 600 dans les dix heures imparties… Dommage !
Alors pour conjurer le sort et mettre en exergue que le vrai défi consistait à entretenir la cohésion de l’équipage autour d’un projet sportif, tous les participants m’ont suivi pour un dernier tour de pont… Un souvenir inoubliable !
A ce moment, nous avions pratiquement retrouvé la Méditerranée et je peux vous dire que l’ambiance à bord était euphorique.
Pour conclure la journée, après des vols d’hélicoptères, les officiers mariniers avaient organisé une soirée de fête au carré, fort sympathique m’a-t-on dit.

Source Gilles Humeau

 

Lundi 23 juin 2008

Après la folle journée d’hier, le service du dimanche accordé par le commandant adjoint équipage était bienvenu.

Le Mistral est donc resté calme ce matin, à l’exception notable des bureaux de quelques « ronds de cuir » galonnés aux prises avec les inévitables rapports que l’époque exige. Bien entendu, le rapport de mission accapare les officiers en charge de la rédaction des différents chapitres. La difficulté consiste surtout à sélectionner les idées importantes à transmettre, sans lasser les lecteurs ! Les plus en avance ont par ailleurs déjà entamé le rapport de fin de commandement qui procède du même esprit pour la période s’étendant de septembre 2006 à cet été.
Pendant ce temps, les sportifs les moins ankylosés ont repris l’entraînement, sur l’un des terrains de badminton ou plus simplement autour du pont d’envol libéré pour la journée.
Dans le hangar enfin, le secteur vivres, augmenté de quelques figures de l’équipage, préparait le barbecue de fin de déploiement. Un esprit très convivial pour un repas d’exception, composé de langoustes grillées, de brochettes de bœuf savoureuses et de simples pommes de terre en papillotes… Au dessert, un far breton a rassasié les plus affamés.
Et pour finir la journée, le médecin a profité de l’occasion d’avoir tout l’équipage réuni pour remettre les derniers trophées des concours organisés à bord. A tout Seigneur, tout honneur, le commandant en second a reçu son cadeau de la persévérance pour le dernier tournoi de badminton, la 35F a récolté les fruits de ses superbes photos aériennes tandis que le maître Perrin Terrain gagnait la catégorie « hommes et femmes du Mistral » avec un joli portrait en noir et blanc. Le GIR s’est quant à lui partagé la vedette sportive avec les équipiers de pont d’envol, imbattables au football.
Pour l’occasion, la coopérative avait déniché des lots superbes composés de parapluies singapouriens, de kimonos soyeux, d’ appareils photos jetables à utiliser rapidement cet été, de sacs à dos bien pratiques ou de vénérables souvenirs historiques de l’opération Baliste !
 

Source Gilles Humeau

 

Mardi 24 juin 2008

Le Mistral semblait aujourd’hui tout guilleret d’avoir retrouvé la Méditerranée dans des eaux connues au Sud de la Crête.

Les pods gagnaient imperceptiblement quelques dixièmes de nœuds pour hâter notre retour, et faire monter les enchères du pari sur niveau des soutes à gazole en arrivant à Toulon. Pour ma part, je mise sur 100% !
L’activité n’a pas faibli à bord, surtout sur le pont d’envol avec l’expérimentation de nouveaux spots de mise en œuvre des hélicoptères. Nos Gazelle se sont également initiées aux procédures discrètes de circulation aérienne, alors que les représentants du personnel étaient réunis pour une commission participative d’unité consacrée aux dernières déclarations sur le livre blanc rénovant le monde militaire.
En début d’après-midi, le commandant de Cacqueray a débuté les épreuves d’admission au concours du collège interarmées de défense par une réflexion sur le « principe de précaution ». Pendant ce temps, les fusiliers entretenaient leur adresse au tir sur une cible remorquée dans le sillage.
Pour les plus jeunes d’entre nous, la journée était festive puisque les cuisiniers avaient organisé un déjeuner amélioré à la cafétéria. Le soir encore, un pot sympathique au bar équipage a donné lieu à de beaux éclats de rire autour de pizzas savoureuses.
 

Source Gilles Humeau

 

Mercredi 25 juin 2008

Notre retour vers la métropole s’est poursuivi à la faveur d’un temps estival mais très supportable, tant le fond de l’air était agréable en mer.

Nous avons découvert la terre dans la matinée à l’approche du détroit de Messine avec un panorama superbe sur l’Etna en irruption. Le nuage de fumées et de cendres couvrant le volcan était magnifique. Plus loin, le paysage italien avait un air « européen » bien différent de ce que nous avons connu depuis quatre mois et demi. La douceur des collines siciliennes nous est apparue bien familière et très agréable.
Les hélicoptères s’en sont donné à cœur joie lors d’une navigation au dessus de l’île dont quelques privilégiés ont eu la chance de profiter. Cet après-midi, ils étaient encore à l’affût des belles criques bordant les îles Eoliennes dont le Stromboli fait partie.
Naturellement, nous avons rappelé selon la tradition la « corvée de câble » au profit des néophytes crédules pour soulever le fameux filin reliant autrefois la Sicile au continent. Tout le monde était paré, harnaché et vêtu de cirés de circonstances, les gaffes à portée de main, pour le plus grand plaisir des spectateurs et la relative déconvenue des élus…Figurez-vous que le câbles est à présent sous-marin…
Le franchissement s’est déroulé sans encombres et nous avons même pu admirer l’un de ces bateaux de pêche à l’espadon caractérisés par un mât gigantesque surmonté d’une vigie d’où les veilleurs traquent leurs proies. Sur l’avant de l’esquif, un « bout dehors » au moins aussi long que la coque permet au harponneur de piquer le poisson ensuite récupéré par le reste de l’équipage.
Ce soir, les traditions étaient encore à l’honneur puisque les nouveaux promus étaient conviés à « passer à la trappe » chez les officiers mariniers et les officiers mariniers supérieurs. 4 mascottes s’étaient ainsi déguisées, comme la secrétaire du commandant, le second-maître Malbeck en tenue de fleur aguichante par son écriteau « je suis une fleur, arrosez-moi ! ». Je vous prie de croire qu’elle a été exaucée…
Et puis, pendant que le COMAEQ finissait les épreuves d’admissibilité au CID, nous nous sommes réjouis avec le capitaine de corvette Tillier, heureux papa d’un petit Jérémy qui accueillera son papa avec trois semaines d’avance.
La mer Thyrénéenne nous berce à présent, en route au nord-ouest vers les bouches de Bonifacio, mais ce sera pour demain.

Source Gilles Humeau

 

Jeudi 26 juin 2008

A la veille de rentrer à Toulon le thème encadrant la journée aura été celui du rangement et de la propreté afin de permettre aux familles de se retrouver au plus tôt demain matin.

Le Mistral a ainsi été rincé, brossé, briqué par des équipes motivées pendant que les commandants adjoints s’évertuaient à fignoler le rapport de fin de mission que j’ai demandé à signer avant l’accostage.
Dans l’après-midi, l’affluence à la passerelle a bien augmenté pour le franchissement des bouches de Bonifacio alors que les hélicoptères redécouvraient le plaisir de voler en France, sans autorisation nécessaire, et qui plus est dans un cadre somptueux qui a beaucoup plu à l’enseigne de vaisseau Simeoni dont j’avais pris soin de « briefer » son chef de bord pour qu’il ne descende pas en chemin…
Après un dernier exercice d’homme à la mer et d’avarie de barre simultanée, la soirée a été marquée au carré commandant par un dîner surprise. Les maîtres d’hôtel cherchaient désespérément à connaître le nom de deux des invités lorsque je les ai conviés à s’asseoir pour déguster avec nous les excellentes crêpes qui ont réjoui les bretons… Que de rires et de bonnes histoires qui resteront longtemps secrètes, discrétion professionnelle oblige !
Enfin, pour couronner la journée, nous avons reçu ce soir le message d’admission de notre poulain à l’école navale. Ainsi, le second maître, pardon, l’élève Guitteau nous quittera demain pour rejoindre le Poulmic avec un excellent rang d’intégration. Tout le monde en est fier, il l’a bien mérité !

Source Gilles Humeau

 

Vendredi 27 juin 2008

Dernier jour de mer avant Toulon qui a démarré en klaxon et sirènes à deux heures du matin par une alarme incendie en boulangerie.

Le feu a été maîtrisé en un temps record grâce à la présence d’esprit du boulanger, à l’œuvre pour préparer cookies et croissants. L’intervention a duré moins de dix minutes, mais elle aura démontré à tous qu’il faut rester vigilant jusqu’au bout. < br/> Ce matin, les aéronautes ont ouvert le bal des « desserrements » et quitté le bord avant huit heures, alors que nous nous engagions dans la rade des Vignettes le long des plages du Mourillon. Bientôt, les CTM ont également pris leur essor afin de permettre au Mistral de franchir les passes. Grâce à Dieu, notre météorologiste décidément peu chanceux, mais qui s’en plaindra, n’a pas trouvé trace des 30 km/h de vent promis.
J’ai eu le plaisir d’accoster le Mistral une dernière fois, sous le regard attentif du commandant Piaton qui effectuera le prochain appareillage et avait organisé un buffet de bienvenue à votre profit.
Il était accompagné des représentants de la base navale et de l’état major d’ALFAN venus gentiment, mais discrètement nous accueillir sur le quai.
Non loin d’eux, l’arrivée de quelques familles a clôturé notre déploiement exceptionnel sur une note douce de retrouvailles, au son des rires d’enfants partout dans le bord. Les femmes, maris, amis et parents peuvent être légitimement fiers de leurs marins. Je peux vous dire que j’ai eu plaisir à jouir du privilège de les commander pendant deux ans.
Merci à vous aussi de m’avoir soutenu dans la rédaction de ce journal de bord, bonnes retrouvailles et bonnes vacances à ceux qui en prendront. Je vais à présent rejoindre votre groupe de lecteurs, mais peut-être aurons-nous le plaisir de nous retrouver les 16 et 17 juillet pour une exposition des peintures et photos réalisées pendant Gavial 08.

Capitaine de vaisseau Gilles Humeau
Commandant le BPC Mistral
 

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